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LE DOSSIER STX/FINCANTIERI. L’Etat à la manoeuvre

samedi 14 septembre 2019

Le dossier STX/Fincantieri : son déroulement, le rôle de l’Etat

L’affaire STX a subi un revirement de situation le 27 juillet 2017. STX France est une société de construction navale de la branche française de STX Europe. Elle comprend notamment les chantiers de l’Atlantique, partie intégrante du patrimoine maritime français. En effet le nouveau gouvernement a décidé de nationaliser temporairement STX France, dans l’attente d’un accord plus équilibré avec Fincantieri, société de construction navale italienne, dans les secteurs des navires de croisière, de transport et militaire. Pour rappel, Fincantieri était le seul repreneur européen à s’être manifesté après la mise en vente de STX France par la maison mère sud-coréenne placée en redressement judiciaire. Le gouvernement du Président Hollande était parvenu à trouver un accord en avril 2017, avec l’idée qu’il valait mieux céder des parts à un investisseur européen plutôt qu’à une entreprise chinoise. 48% des parts étaient accordées à Fincantieri et 45% à l’Etat français. Cependant, le gouvernement de Macron a rapidement voulu renégocier cet accord, jugé trop favorable aux Italiens. Ainsi, avec cette nationalisation, la reprise a été bloquée.

Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau président de la République, Emmanuel Macron a décidé de revenir sur le compromis négocié entre Mr. Hollande et les Italiens. Cette décision fait suite au refus de Fincantieri de partager le capital de STX à 50-50. Le nouveau gouvernement ne voulait pas céder et affirmait être prêt à exercer le droit de préemption de l’Etat sur STX si Fincantieri ne se contentait pas des 50%. L’objectif était d’éviter que les Italiens ne deviennent actionnaire majoritaire et ainsi perdre les chantiers navals français. La nationalisation a donc eu lieu permettant d’engager de nouvelles négociations. Nous pouvons alors nous demander ce qui justifie une décision exceptionnelle comme cette nationalisation temporaire des chantiers navals STX de Saint-Nazaire. En effet, ce dossier montre l’intervention de l’Etat dans l’économie et a d’ailleurs été directement traité par l’Elysée qui estimait que ce dossier, relevant du patriotisme économique devait être négocié d’Etat à Etat.
Plusieurs raisons ont poussé le gouvernement à revoir cet accord. Tout d’abord, les chantiers de l’Atlantique ont une activité très sensible à la conjoncture mondiale. Certes leur carnet de commande est rempli pour 10 ans, mais que va-t-il se passer ensuite ? Que va-t-il se passer si une chute de l’activité est observé après cet accord ? L’Etat français a en effet eu peur que les Italiens délocalisent, ce qui engendrerait bien évidemment une perte d’emplois en France. L’enjeu est donc de garantir le maintien en France des compétences et du savoir-faire acquis par les chantiers de l’Atlantique.
De plus, il semblerait que Fincantieri ait des relations étroites avec la Chine, ce qui fait d’autant plus craindre un transfert de savoir-faire ou d’activité en cas de conjoncture défavorable en France. Un des enjeux de cet accord est également celui de souveraineté stratégique, les chantiers de Saint Nazaire sont en effet le seul site capable de construire de grandes coques pour des navires militaires. Ils sont donc nécessaires à la France en cas de conflit armé. Ainsi, c’est l’industrie de la défense française qui est en jeu dans ce dossier, d’où son caractère hautement stratégique. Les pouvoirs publics voulaient donc que la France garde un accès privilégié à STX. Cette intervention rend donc compte des intérêts non seulement économiques mais également stratégique liés aux chantiers navals STX.

Le but était donc de nationaliser le temps de renégocier, dans l’idée d’un partage 50/50 avec les italiens. Il s’agirait d’abaisser les parts de Fincantieri et de faire entrer les 2 plus gros clients des chantiers de l’Atlantique dans l’accord.

Cette décision n’a pas fait l’unanimité, certains avancent que l’accord négocié sous Hollande n’était pas si mauvais, il aurait bel et bien permis de construire un groupe européen leader pour lutter contre la concurrence, notamment chinoise. Ainsi, sommes-nous face à un coup politique de Macron ? Pour certains, cette nationalisation permettrait au nouveau gouvernement d’attirer la sympathie des Français, après des dossiers difficiles qui ont déchainé l’opinion publique, comme la baisse des APL.
D’un autre côté, on peut aussi y voir le signe que Macron a bien entendu les travailleurs des chantiers, et a pris en compte les intérêts de la préservation des entreprises et des emplois français.

Le dossier STX ne témoigne pas seulement d’un interventionnisme économique certain, mais aussi d’une volonté d’Emmanuel Macron de s’imposer face à ses partenaires notamment européens. Effectivement, le dossier STX, plus qu’un simple rachat, était véritablement un conflit avec l’Italie qui dénonçait justement ce « patriotisme économique français ». Les nouvelles négociations ont donc été une manière pour le nouveau gouvernement d’imposer ses vues et de s’affirmer sur la scène européenne. Cette nationalisation a été évidemment très mal perçue en Italie, tout comme les renégociations.
Mais un compromis entre Français et Italiens est enfin trouvé fin septembre 2017. Fincantieri obtient 50% des parts de STX France et l’Etat français 34,4%. Ce qui fait toute la différence de l’accord est le prêt de 1% des parts par la France à Fincantieri pendant 12 ans. Ainsi Fincantieri obtient la majorité du capital et la direction de l’entreprise. Cependant la France est en droit de reprendre son prêt ou d’exercer un droit de véto sur la nomination du PDG en cas de divergence. C’est donc un moyen pour l’Etat français de conserver la main sur le dossier STX et d’assurer une stabilité économique et salariale puisqu’il s’est engagé à vérifier l’absence de plan social et le respect du plan d’embauche sur 3 ans. De son côté, Fincantieri a garanti l’absence de transfert de technologie ou de savoir-faire hors de l’Europe. En cas de non-respect des engagements, la France récupèrerait le contrôle des chantiers navals de Saint-Nazaire.

Pour Emmanuel Macron, cet accord avec Fincantieri est un « accord gagnant-gagnant ». Fincantieri est en effet gagnant car c’est bien cette société qui va diriger -en en détenant la majorité des parts - le groupe STX. La France peut aussi être considérée comme gagnante car il n’y aura pas de transferts de charges ou de technologies au chantier de Saint-Nazaire, considéré comme un véritable enjeu stratégique pour le pays. De plus, elle se garde le droit de retirer le 1% supplémentaire prêté à l’Italie, ce qui lui laisse un contrôle en cas de problème. Il a aussi été spécifié qu’en cas de réelles difficultés, Fincantieri se verrait dans l’obligation de revendre ses parts à la France, la laissant alors seule au contrôle de STX France. Les salariés de Saint-Nazaire peuvent eux aussi souffler, les 7000 emplois semblent protégés par des engagements de Fincantieri.
Il faut cependant rappeler que la France voulait au départ être sur un pied d’égalité total avec l’Italie en se partageant 50/50 STX France. Si le chef de l’Etat se déclare satisfait des accords, on peut constater que c’est la France qui a fini par céder à la volonté italienne d’obtenir 51% des parts.

Les autres actionnaires de STX France sont, à hauteur de 10%, le groupe naval français de construction militaire Naval group (ex DCNS), les salariés ont quant à eux 2% des parts et 3,6% sont partagés entre d’autres actionnaires minoritaires.
Le Conseil d’administration de STX France est donc composé de 4 administrateurs nommés par Fincantieri, 1 par Naval group et 1 par les salariés. Après ce rachat, tous ont l’ambition de créer un leadership européen à vocation mondiale.

La conclusion de l’affaire STX révèle un certain paradoxe de l’industrie française. En trouvant un accord, l’Italie et la France montrent leur véritable volonté de créer un groupe européen fort et lié, un champion mondial dans le naval, notamment face à la Chine ou aux Etats-Unis.
Mais la confiance entre les deux Etats reste limitée, et la lutte à laquelle ils se sont adonnés pendant plusieurs mois montre bien un nationalisme toujours très présent et défensif.
Ainsi, on peut se demander si le front commun défendu par l’Italie et la France le 27 septembre 2017 va durer. Il semble être en voie d’approfondissement, puisque le partenariat fera l’objet d’une réflexion jusqu’à l’été prochain. Pourtant, il est impossible de dire si les deux partis respecteront les promesses faites et si les relations franco-italiennes réussiront à retrouver l’élan nécessaire pour oublier les contentieux de cet été.

Flora NOGUERO, Léa JAILLARDON, Apolline JEUNOT, Prépa HEC, Lyon

SOURCES
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/27/stx-macron-invente-la-privatisation-a-l-elastique_5192124_3234.html
https://www.capital.fr/economie-politique/reprise-de-stx-un-accord-gagnant-gagnant-dit-macron-1246592
http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/09/30/le-et-en-meme-temps-de-macron-en-version-industrielle_5194052_3232.html?xtmc=stx&xtcr=7
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/les-dessous-de-la-prise-de-controle-de-stx-france-par-fincantieri-752047.html
http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/nationalisation-de-stx-coup-politique-ou-strategie-industrielle-745914.html
http://www.latribune.fr/economie/france/attractivite-le-dossier-stx-symbole-du-mal-francais-745494.html
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/msc-et-rccl-l-etrange-choix-d-emmanuel-macron-pour-stx-728794.html
http://www.liberation.fr/france/2017/09/27/stx-entre-paris-et-rome-la-bataille-navale-est-terminee_1599387
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/27/stx-macron-invente-la-privatisation-a-l-elastique_5192124_3234.html
http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/07/26/chantiers-de-saint-nazaire-l-ultimatum-de-l-elysee-a-l-italie_5165170_3234.html
http://www.leparisien.fr/economie/stx-la-piste-de-la-nationalisation-des-chantiers-navals-se-renforce-27-07-2017-7160418.php

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