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LE BIG DATA, un outil de puissance ?

samedi 20 mai 2017 Etudiants Prépa HEC1

LE BIG DATA : UN OUTIL DE PUISSANCE ?

Définition, domaines d’utilisation et voies de la collecte. Les deux approches possibles (usage premier et réutilisation). Quelques sociétés. La question démocratique, les usages et la régulation des données. Un nouveau service public ? Rôle géopolitique, exemples et question de souveraineté


Le Big Data : un outil de puissance ?

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, l’ère de la donnée ou data en anglais. Jamais le monde n’a été autant analysé. Nos mails, nos conversations téléphoniques, nos cartes bancaires et nos objets connectés laissent des traces d’ordre numérique : les données s’accumulent. Les données personnelles volent partout autour de nous. Tous ces chiffres, une fois récupérés et bien stockés, constituent ce qu’on appelle le Big Data. Ces informations, nous en sommes les principaux émetteurs, elles documentent de plus en plus chacune de nos activités. Ce n’est qu’un début ! Il aurait été produit plus de 3 000 milliards de milliards de données en 2013, soient environ 2,5 trillions octets de données par jour. En 2015, on compte 15 milliards d’appareil connectés à Internet. En 2020, on estime que ce chiffre devrait atteindre les 50 milliards, autant de sources pour alimenter le Big Data.

Quelle définition ?

Cette appellation est apparue en 1997 comme une nouvelle technologie pour stocker un grand nombre de données. De nouveaux ordres de grandeur apparaissent. On parle d’un quatrième secteur économique ou d’une révolution industrielle. Le Big Data se caractérise par la règle des 3V : volume de données, variété d’information, vélocité. IBM rajoute à juste titre un 4ème V à savoir la véracité (justesse, poids, exactitude)

Quelles sont les principaux domaines d’utilisation ?

Le marché de l’emploi : les employeurs ajustent leurs recherches selon la demande et le profil souhaité, Linkedin, le marketing et la prévision des ventes. Nos données personnelles sont analysées pour que les produits qui nous sont proposés en ligne correspondent à nos attentes.
On trouve aussi le domaine de la santé (consolidation des dossiers médicaux des patients et celui de la sécurité (prévention des crimes, fichiers S) etc...

Quelles sont les voies de la collecte ?

Les transaction par carte bancaire, les email, les conversations téléphoniques, les positions GPS, les cartes grises, les réseaux sociaux et objets connectés. Citons quelques sociétés utilisant le Big Data : les pionnières avec Facebook, Google, Yahoo puis Apple, Amazon etc...

Le Big Data pose la question démocratique et celle de la régulation

Les Etats, via leurs services de renseignements, comme la NSA, connaissent tout de notre vie. Les grands groupes privés comme Facebook ou Google dominent la « toile » par cette gestion des données des individus. Ils exercent ainsi une surveillance permanente de tous ce qui a, il y a quelques années, été fortement dénoncé par le lanceur d’alerte Edward Snowden. Aujourd’hui, la video-surveillance contrôle chacun de nos déplacements. Le livre de George Orwell (1989) l’illustre bien avec le fameux slogan « Big Brother is watching you ». Mais cette surveillance de masse est-elle destinée à protéger nos libertés ou à contrôler toutes nos existences ? Peut-on alors encore se sentir libre, maître de nos décisions, quand tout ce que nous faisons est enregistré ? La surveillance est en effet planétaire, le contrôle est permanent. Il n’y a aucun doute que le Big Data grignote de plus en plus la place réelle des libertés individuelles. En effet, les métadonnées peuvent être utilisées contre chacun de nous. Néanmoins, contrairement à ce que l’on pourrait penser, on tente de les réguler et de les encadrer. Il existe de nombreux cadres législatifs d’encadrement.
Prenons l’exemple de Youtube ou de Facebook, qui, pour éviter la publication de contenus inappropriés, régulent continuellement les données mises en ligne. Internet Society est dans cette perspective, une agence qui permet de réguler le contenu publié sur la toile. En dehors du contrôle parental (aussi une forme de régulation des données à l’égard des plus jeunes), toutes les informations sont étroitement surveillées.
Elles peuvent être exploitées à des fins commerciales et permettre de surveiller les consommateurs à leur insu. La protection des données privées, c’est justement le combat de Philippe Pucheral, chercheur et enseignant à l’Inria (Institut National de Recherche en informatique et en automatique). Certaines sociétés construisent leur modèle économique sur la vente de profils extrêmement complets. C’est le cas d’Intelius aux Etats-Unis. Si un employeur veut connaître des informations détaillées sur certains de ses employés, il suffit de faire une recherche en tapant le nom et le prénom de la personne recherchée sur ce site. On peut alors obtenir, pour la maudite somme de 50 dollars, des informations sur les propriétés immobilières de la personne, ses adresses passées, son casier judiciaire, etc... Autrement dit accéder à n’importe qu’elle information le concernant. Il y a donc indéniablement une intrusion dans notre intimité même. La protection de la vie privée d’un individu s’avère être très compliquée.

Vers un nouveau service public ? Quel rôle géopolitique ?

Le Big Data appartient au domaine du privé, car tout le monde n’y a pas accès mais relève justement de nouveaux questionnements en lien avec les biens publics souvent mondiaux (recherche contre le cancer, gestion des catastrophes naturelles, lutte contre les épidémies...)
LE PLAN GEOPOLITIQUE EST MAJEUR : prédiction des conflits mondiaux, compréhension du monde...

Peut-on alors considérer le Big Data comme un outil de puissance ?

Les entreprises investissent… IBM, leader du secteur, a investi 24 milliards de dollars ces 10 dernières années sur la seule analyse des données. Ce domaine est donc en grande expansion. Le budget consacré dans les entreprises au Big Data va de plus en plus augmenter. Cap Gemini avec une étude de mars 2015 a montré que 61 % des entreprises sont conscientes de l’utilité du Big Data en tant que « moteur de croissance à part entière ». De ce fait, on lui accorde beaucoup plus d’importance qu’aux produits et services existants. 43 % d’entre elles se sont déjà réorganisées ou se restructurent présentement pour exploiter le potentiel du Big Data car il peut être un outil de puissance dans plusieurs champs.

DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE, on veut donner des prix en fonction de la rareté de l’information. De nouveaux modèles naissent (vente aux enchères de ces informations). Le Big Data, c’est d’abord une démarche stratégique. A partir de données collectées par son entreprise, on peut créer de la valeur. La stratégie recherchée est de valoriser les données, en somme transformer les données en dollars. Par exemple, beaucoup d’entreprises sont devenues « Data-Driven ». Leur stratégie marketing est guidée tout simplement par ce qu’on appelle les « données clients » qu’elles récupèrent. Plus leur connaissance du client est fine, plus les chances de mieux vendre sont grandes, et ainsi augmenter leur profit et leur chiffre d’affaires. Ces solutions permettent d’envoyer la bonne offre, au bon client, au bon moment, par le bon canal, et avec le bon message (cf les sites de vente en ligne comme Amazon ou encore le secteur des jeux vidéo). Les éditeurs de ses jeux analysent les données issues des habitudes des joueurs pour faire évoluer leur jeu en l’adaptant au mieux au comportement des futurs acheteurs. Ces derniers améliorent leurs produits en s’appuyant sur les commentaires des clients sur Internet. On peut penser aussi à l’ubérisation de l’économie. Uber, Netflix sont de nouvelles entreprises qui fonctionnent uniquement grâce aux données. Elles prospèrent ! Les grandes entreprises françaises mettent les bouchées doubles comme Airbus ou la SNCF.
ACCOR un des leaders Français de l’hôtellerie a considérablement augmenté son taux de réservation d’hôtels et de séjours en ligne grâce à l’utilisation de ces techniques. Une récente étude de McKinsey indique que les entreprises faisant largement usage de l’analytique voient leurs bénéfices augmenter de 126 % par rapport à leurs concurrents.

DANS LE CHAMP POLITIQUE, le Big Data peut aussi apporter une aide précieuse. Les équipes de Barack Obama ne s’y sont pas trompées. Les fonds collectés lors de la campagne démocrate de 2012 ont atteint des records, plus de 1 milliards de dollars. Prés de 70% étaient issus des dons en ligne. Grâce aux informations collectées sur les votants, le staff de l’ancien Président américain a pu cibler au mieux les appels aux dons. De la même manière, ils ont pu analyser les comportements d’électeurs clés, les indécis. En Ohio par exemple, les données de 29 000 votants furent injectées dans une machine qui a reproduit 66 000 fois l’élection suivant différents scénarios. En simulant leur comportement, les équipes d’Obama ont pu déduire quels arguments seraient efficaces pour les faire basculer dans leur camp.

MAIS LE BIG DATA A SES LIMITES. Selon le cabinet Gartner, 75 % des projets Big Data ne délivreront pas les bénéfices attendus. En effet, les PME n’ayant pas assez de données ne peuvent pas tirer profit du Big Data. De plus, la justesse et la véracité des données est un problème à gérer qui n’est pas forcément contrôlable. Leur grand nombre handicape leur traitement.

C. Chovet, H. Kauffmann, E. Henriques, juin 2017

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