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LA RUSSIE A-T-ELLE LES MOYENS DE VAINCRE EN 2024 ? Michel FOUQUIN

LE POUVOIR DE LA MONNAIE AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE. ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC JÉZABEL COUPPEY-SOUBEYRAN, PIERRE DELANDRE, AUGUSTIN SERSIRON

GEOPOWEB, LIRE LE MONDE EN TROIS DIMENSIONS (Géopolitique, Géoéconomie, Philosophie politique). Mondialisation « à front renversé » : politiques d’endiguement, lois extraterritoriales, guerres hybrides, sécurité stratégique...

JACQUES DELORS, L’EUROPEEN. Par Jean-Marc SIROËN

LE GEOINT MARITIME, NOUVEL ENJEU DE CONNAISSANCE ET DE PUISSANCE. Philippe BOULANGER

INTERDÉPENDANCE ASYMÉTRIQUE ET GEOECONOMICS. Risque géopolitique et politique des sanctions

LA RÉSILIENCE : UN RÉCIT PROGRESSISTE DE SUBSTITUTION FACE AUX MULTIPLES CHOCS DE LA POSTMODERNITÉ. Baptiste RAPPIN

VERS DES ÉCHANGES D’ÉNERGIE « ENTRE AMIS » ? Anna CRETI et Patrice GEOFFRON

LA FIN DE LA SECONDE MONDIALISATION LIBÉRALE ? Michel FOUQUIN

DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (II)

DÉMOCRATIE et MONDE GLOBALISÉ. À propos de la « Grande Expérience » de Yascha Mounk

LE PACTE VERT, L’ AGRICULTURE ET L’ « EFFET BRUXELLES » A L’ÉPREUVE DU XXIÈME SIECLE. A. DI MAMBRO et M. RAFFRAY

ART ET DÉNONCIATION POLITIQUE : LE CAS DE LA RDA. Elisa GOUDIN-STEINMANN

RÉINDUSTRIALISATION ET DÉCARBONATION, QUID DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ? Sophie BOUTILLIER

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LA GEOPOLITIQUE et ses DERIVES

A propos d´un billet de Thomas Piketty

Conférence de Bertrand Badie : Les embarras de la puissance (9 février 2014)

Conférence de Bertrand Badie : L’humiliation : une pathologie des relations internationales (6 novembre 2014)

DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (I)

DES « ORDRES » MONDIAUX EN CONCURRENCE

mardi 5 septembre 2023 Philippe MOCELLIN, Philippe MOTTET

Alors que la guerre russo-ukrainienne a fait voler en éclat « l’équilibre » sécuritaire européen, les deux auteurs (1) tentent cependant de démontrer que l’idée d’un ordonnancement définitif du monde relève d’une chimère. La bipolarité du temps de la « guerre froide » a en effet laissé la place à la juxtaposition « d’ordres » mondiaux en concurrence. Dans un tel contexte, l’Union Européenne saura-t-elle affirmer sa propre voie politique et diplomatique, en s’imposant, enfin, comme un interlocuteur international à part entière ? Et au-delà, comment s’organisera le monde, dans les prochaines années, à l’aune des nouvelles divisions géopolitiques qui se font jour ? Et si notre monde, de plus en plus fragmenté et confronté à des menaces sans frontières s’installait dans un désordre durable ? Ph.M

Les auteurs fournissent une belle analyse globale qui s’appuie sur la multiplicité des variables, des enjeux et des défis. La question du « rendez-vous de la souveraineté européenne » et de sa construction dans le temps long est aussi posée. L’étude se fera en deux articles. La première partie fait largement appel à l’histoire par une mise en perspective « d’ordres » mondiaux en concurrence. La deuxième s’inscrit dans une approche plus prospective : vers une seconde « guerre froide » ? (II). P.L

(1) Philippe Mocellin, Docteur en Science Politique. Maître de conférences associé de 2013 à 2019 à l’Université de Poitiers. Il est, à ce jour, Directeur Général des Services d’une collectivité locale. Philippe Mottet est Docteur en Droit, Avocat et Maire honoraire d’Angoulême, assure des enseignements de géopolitique à l’Université de Poitiers. Ils sont co-auteurs d’ouvrages [1]

DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL

Enoncer que le monde d’aujourd’hui est de plus en plus fragmenté, traversé par des conflits multiples et que celui-ci vit sous des risques permanents de déflagration apparaît comme un doux euphémisme… Encore faudrait-il se demander si un monde ordonné et pour ainsi dire pacifique, a réellement existé dans l’histoire de l’humanité ?
Nous avions, dans notre dernier ouvrage, choisi de répondre par la négative, en soumettant, au questionnement, tous les grands mythes du « penser global » [2] : à savoir, toutes ces illusions savamment entretenues, après avoir vaincu, ou presque, les affres de la pandémie du COVID 19, sur un retour nécessaire à la mondialisation (comme si rien ne s’était passé…) ou encore, autour de l’avènement d’un hypothétique ordre « alternatif », encore à inventer, de gré ou de force d’ailleurs, selon certains « bons esprits »… !

Au moment où les civilisations semblent entrer dans une phase de confrontation larvée ou assumée, admettons que l’idée d’un ordonnancement du monde, réglé et définitif, demeure une pure chimère, à en croire, à l’aune d’une immense expérience diplomatique, la doctrine « réaliste » portée par Henry Kissinger [3] . En effet, les contradictions entre le droit international et les ambitions des Etats se multiplient et alors que dans le même temps, les « rêves » d’empire ou, plus modestement, les tentatives de reconquête de zones d’influence, justifient, au gré des opportunités, la conduite de réelles stratégies guerrières…

A cet égard, l’intervention militaire de la Russie en Ukraine illustre, si besoin était, l’état du désordre ambiant.

Le président russe a ainsi fait voler en éclat « l’équilibre » sécuritaire européen qui dominait depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Nul n’a encore la capacité, dans ce contexte de très grande incertitude, de prévoir réellement ce qu’il en adviendra quant à la situation géopolitique sur notre vieux continent. En tout état de cause, un constat s’impose d’ores et déjà : l’éclatement de cette guerre terrestre en Europe a constitué un vrai « choc », non sans « effet domino » et non sans de possibles répercussions sur les jeux d’alliance entre les grandes puissances, annonciateurs de nouvelles fractures mondiales….

Avant de revenir, plus précisément, sur les enjeux concernant l’avenir même de l’Europe, évoquons brièvement les enseignements tirés de l’histoire…

Des « ordres » mondiaux en concurrence

Faire régner l’ordre international relève bien, en effet, d’une « obsession » historique…

Différentes formes d’ordre ont, en effet, tenté d’exister au cours des siècles : de la pax Romana au modèle européen de l’équilibre des puissances, résultat, il y a quatre siècles, des conférences de Westphalie, en passant par les royaumes éphémères et les empires orientaux tirant leur légitimité d’un « mandat du ciel » [4] . Et tandis que, par ailleurs, l’Islam réussit, à partir du VIIe siècle, à imposer ses propres vues, à la fois sur les territoires de l’ex-empire romain, l’empire perse, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord ainsi que sur une partie de l’Asie et de l’Europe [5] .

Notons que si l’Europe du XVIIe siècle imaginait son « ordre », l’empire Ottoman revendiquait, dans le même temps, son autorité sur les civilisations arabes, témoignant ainsi d’une compétition, sans concession, entre des civilisations, sûres d’elles-mêmes et alors convaincues de détenir la vérité…

Et pourtant, même si le concept « westphalien » avait permis, pour un temps certain, d’organiser un ordre « universel » et respecté, celui-ci est alors fortement perturbé par les guerres menées par la Révolution française et l’empire napoléonien, ravivant, de fait, les rivalités impériales. Ajoutons que le congrès de Vienne de 1815, créateur de la conférence germanique et de la quadruple-alliance, n’a pas non plus mis fin à toutes les manœuvres politiques et aux ambitions de puissances orgueilleuses [6] qui engendreront la guerre franco-allemande de 1870 et, plus encore, précipiteront le monde dans le conflit de la première guerre mondiale…

Quelques années plus tard, la seconde guerre mondiale (et son lot d’horreurs et de crimes), anéantira les efforts entrepris par la malheureuse Société des Nations (SDN), plaidant, dès les années 1920, pour le « dialogue, la sécurité et le désarmement… ». C’est à l’issue de ce conflit général, qu’un nouvel « ordre » mondial s’organise entre les vainqueurs du nazisme, divisant ainsi la planète en deux zones d’appartenance [7] : d’un côté, celle de l’Ouest, pacifiée et prospère, sous domination des Etats-Unis et alors promoteurs des accords de Bretton Woods, du plan Marschall et d’une alliance militaire, incarnée, à partir de 1949, par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ; et de l’autre, l’Europe de l’Est, placée sous l’hégémonie de l’Union Soviétique et constituant, également, une zone économique et militaire intégrée [8] .

S’ajoute à ce « face à face », le système « onusien » : celui qui a permis, jusqu’à une date récente, à la super-puissance américaine, d’asseoir un ordonnancement « multilatéral » [9] , fondé sur le principe, « un Etat, une voix » et même si, fortement contrecarré par un conseil de sécurité, donnant, sur fond de « guerre froide » Est-Ouest, un droit de véto aux cinq membres permanents.

Soulignons que dès 1945, Staline et les dirigeants soviétiques avaient fortement réactivé les notions de « sphères d’influence » et fait en sorte que les pays de l’Est de l’Europe, libérés par l’Armée rouge, coupent leurs liens avec les Etats-Unis. Ceux-ci ont alors cherché, dans le cadre de réseaux transatlantiques réactivés, à unifier le « monde libre », solidifiant de fait, une alliance avec l’Europe et les partisans de la construction européenne.

Ainsi, dans ce monde bipolaire, structuré autour d’une opposition entre deux idéologies, la concurrence, fait rage entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique, entraînant une course aux armements nucléaires et de fortes rivalités technologiques, notamment dans le domaine de la conquête spatiale.

Si la lecture « Est-Ouest » simplifie ainsi le regard porté sur les relations internationales, la bipolarité se double d’une autre source tension, dite « Nord-Sud », matérialisée, tout à la fois, par les guerres d’indépendance (les guerres d’Indochine en constituent un des exemples parmi bien d’autres...) et par l’émergence de nouvelles puissances économiques, comme celle de la Chine ou de l’Inde. Pour autant, les deux « grands » concurrents n’ont jamais totalement renoncé au dialogue, aboutissant, à des accords historiques tant sur la sécurité du monde qu’en matière de respect des Droits de l’Homme et d’égalité des droits peuples, à la lumière de l’Acte final de la Conférence d’Helsinki, signé le 1er août 1975.

Il apparaît, de plus, important de mentionner que dans le camp du « monde libre » les courants marxistes, très présents dans les universités tout au long des années 1960 et au-delà, ont prôné la « déconstruction sociale », balayant la notion même de « civilisation occidentale ». Et cela, à rebours de la voix des dissidents soviétiques, dont celle d’Alexandre Soljenitsyne, exprimée dans son ouvrage devenu célèbre, l’Archipel du Goulag, publié en 1973.

Pendant près de quarante-cinq ans, crises politiques et phases de « détente » alterneront et ce, jusqu’à l’effondrement, en 1991, de l’empire soviétique et du « bloc » idéologique marxiste-léniniste.

S’ouvrait alors, à partir de cette rupture historique, une nouvelle ère d’espoir et de paix durable… ?

Les « ratés » de l’après-guerre froide

Comme le souligne Hubert Védrine, cette sortie ordonnée de la guerre froide a d’abord été rendue possible grâce à la clairvoyance de dirigeants politiques, : celle que Gorbatchev et Bush « père » ont témoigné tout au long de ce moment crucial, alors parties prenantes de la grande histoire.

La bonne « gestion » politique de la chute du mur de Berlin, accompagnée de la décomposition progressive de l’URSS, ne doit pour autant cacher les « ratés » dans la construction du monde d’après-guerre froide. Le monde occidental s’est trouvé, in fine, dans l’impossibilité d’imposer son « ordre » et alors que l’Europe n’a pas su (ou voulu) créer les conditions d’une intégration réussie de la Russie, post-soviétique, en écho à ce projet d’unité, de « l’Atlantique à l’Oural », tel que porté, en son temps, par le Général de Gaulle.

Dans ce contexte, vécu comme « prometteur » a priori, Francis Fukuyama annonçait, quant à lui, « la fin de l’histoire au travers de la victoire définitive du modèle libéral… » [10]. Cependant, la réalité géopolitique l’emportera, faits à l’appui, sur toutes ces considérations philosophiques.

Et si Samuel Huntington, en dépit des imperfections de son analyse (comme toute analyse de cette nature), théoricien du « choc des civilisations », avait raison… Si le paradigme « civilisationnel » de Samuel Huntington a été largement commenté, il a eu surtout le mérite d’avancer un début d’explication, dans un monde en quête d’une nouvelle boussole.

En effet, alors que les « guerres civilisationnelles », au sens contemporain du terme, menacent la paix du monde depuis plusieurs décennies, se dessine, dans le même temps, une tentative d’ordre international, précisément fondé sur la défense des civilisations [11]... .

Dans cette confrontation, la civilisation occidentale semble être en situation de grande faiblesse… à tel point que certains dirigeants prétendent même que la France et l’Europe tout entière, connaîtraient un véritable processus de décivilisation … [12]. Ou, comme le précise autrement Florence Bergeaud-Blackler [13], nous serions plus exactement confrontés (au sein du vieux continent) « à des groupes qui veulent imposer une autre « civilité » et donc, entraînant des conflits majeurs autour des valeurs.

L’attentat « sidérant » du 11 septembre 2001 aura, en tout état de cause, illustré la prégnance de ces nouveaux combats idéologiques, ayant alors engendré, par l’intermédiaire de l’opération « liberté immuable », l’intervention américaine en Afghanistan et cette lutte ardente, menée par l’occident contre l’islamisme et un ensemble de pays par trop complaisants, que ce soit à l’égard des talibans, d’Al Quaïda ou de Daesh….

Il n’en demeure pas moins que la disparition de l’URSS - « la plus grande catastrophe géopolitique du siècle dernier », selon l’affirmation de Vladimir Poutine -, aurait dû être suivie, dès le début des années 1990, d’un « grand sommet post guerre froide » [14], à l’instar de la concertation conduite après le second conflit mondial. Or, sans sombrer dans une pure naïveté, niant les rapports de force, l’histoire des relations internationales des trente dernières années « laisse apparaître le sentiment d’un certain gâchis », comme l’indique Romual Sciora. Cette nouvelle donne internationale constituait, pourtant, une occasion pour les principaux dirigeants du monde de repenser, plus particulièrement, les bases du système multilatéral onusien afin de définir de nouvelles règles, plus respectueuses de la souveraineté des Etats…

En l’absence d’initiative d’ampleur, le monde a donc progressivement basculé, de façon durable, dans l’incertitude…

Il est même possible d’affirmer, en référence à l’analyse de Maurice Vaïsse [15], que le temps de l’hyperpuissance américaine et du règne, sans partage, de l’idéologie libérale, au travers de l’accélération de la mondialisation, sont désormais révolus.

Tout au contraire, sur « fond de rejet d’un ordre international occidental », émerge, une forme de « chaos multipolaire ».

Vers un chaos « post-occidental »

Dans le même esprit, Pascal Boniface et Hubert Védrine ont proposé une nouvelle édition de l’atlas géopolitique du monde global, en mettant à jour, « 100 cartes pour comprendre un monde chaotique » [16]... Ce monde se caractériserait alors, selon ces deux auteurs, par cette « incapacité pour quelque acteur ou groupe d’acteurs à contrôler la situation internationale » [17] .

Jean-François Fiorina indiquait, dès 2015, que cette thèse du « monde chaotique » tendrait même à structurer nos représentations géopolitiques, confirmant alors l’idée de cet « affaiblissement » des grandes puissances occidentales.

Différents facteurs, observables depuis un quart de siècle, auront alors façonné ce nouveau monde incertain :

 l’apparition d’Etats dits « faillis », ne possédant pas les moyens de contrôler leur propre territoire et de faire respecter leur souveraineté,
 l’émergence d’acteurs multiples sur la scène internationale (ONG, entreprises, organisations criminelles, religieuses, médias…), disposant de moyens financiers parfois bien supérieurs aux Etats, contribuant ainsi à un émiettement du pouvoir et des influences,
 le revers de « l’hyper-connexion » de nos sociétés, de plus en plus fragiles, soumises au risque permanent d’épidémies soudaines et de cyberattaques en tout genre… provoquant « emballements médiatiques et la perte du monopole de l’information par la médiasphère »… [18].

Au travers de ces évolutions de fond, se confirme alors l’installation d’un monde, pour le moins imprévisible et, disons-le, échappant, en écho à de nombreuses analyses convergentes, aux contrôles des chancelleries diplomatiques des occidentaux…. Pour l’énoncer autrement, ce monde « chaotique » serait devenu un monde « post-occidental », tournant le dos, parfois avec subtilité, à tous les principes dits « universels », portés, toutes ces dernières décennies, par les Etats-Unis et les puissances européennes, non d’ailleurs sans une dose « d’angélisme » [19].

Dans ce contexte chaotique, les opinons publiques occidentales ont le sentiment que leurs dirigeants ne contrôlent plus rien, ni les flux financiers, ni les flux de population…

Plus encore, alors que l’occident ne domine plus désormais le monde, d’autres Etats s’enhardissent et caressent alors l’espoir d’imposer, à partir du chaos ambiant, un nouvel « ordre » géopolitique : le leur !

Quel sursaut pour l’Europe ?

Et pourtant, à bien des égards, la guerre russo-ukrainienne marque de facto et plus particulièrement le « retour » de l’Europe dans la sphère politique et géopolitique dont elle était largement absente en ce premier quart de XXIè siècle.

En effet, si l’Union européenne, issue d’un long processus de construction, avait su relever, dans la seconde moitié du XXè siècle, les enjeux de l’installation d’un marché unique, de l’élargissement exponentiel à de nouveaux pays au sein d’un vaste espace démocratique, elle apparaissait cependant, depuis plus de deux décennies, du fait de ses divisions, de la pesanteur des mécanismes communautaires et de son absence de vision stratégique, voire de sa naïveté coupable, sur le plan économique et industriel [20], devoir regarder impuissante, l’émergence de nouveaux ensembles géopolitiques concurrents.

De fait, sur fond de croissance économique molle, de déclassement dans les domaines industriels et technologiques stratégiques, de baisse démographique, de divisions profondes sur la politique d’immigration et de crise identitaire, l’Union européenne semblait vouée à un lent et inexorable effacement sur la scène internationale, voire à une relégation en division inférieure.

Il faut convenir que la crise ukrainienne qui succède au traumatisme du Brexit et du COVID, a incontestablement eu un effet de catalyseur pour l’Union qui a trouvé dans cette grave crise à ses frontières, une conjoncture exceptionnelle qui appelle au sursaut. Tragique opportunité, la guerre entre la Russie et l’Ukraine invite l’Union à plus de solidarité, de souveraineté et de recherche d’une dimension géopolitique qui lui faisaient défaut jusqu’alors. Renouer avec un récit historique, donner au projet européen un nouvel élan, affirmer la dimension géopolitique de l’Union, tels sont les principaux enjeux « qu’offre » en effet aux 27, ce nouveau conflit sur le continent.

C’est dans ce contexte que l’Union a déployé une activité tous azimuts aussi bien sur le plan financier, logistique, diplomatique que de soutien militaire à l’Ukraine. Pour autant cet « instant européen » est -il aussi fécond que certains l’ont affirmé et espéré ou bien n’annonce -t-il pas les limites et les fragilités d’une « Union géante aux pieds d’argile » ? Dix-huit mois après le début du conflit, il serait pour le moins hasardeux de répondre à cette interrogation.

Toutefois, au-delà des effets concrets et quantifiables de cette mobilisation, il est possible d’esquisser les premiers effets collatéraux du conflit qui constituent autant d’enjeux colossaux pour l’Europe et son avenir.

« L’Europe puissance : maintenant ou jamais »

C’est ainsi que le Général Polomeros caractérise le moment historique dans lequel se situe l’Union, qui appelle ambition et détermination si l’Europe veut tenir sa place « et assumer un véritable statut de puissance dans un nouveau siècle qui laisse peu de place aux faibles et aux indécis » [21] .

Il faut reconnaître que l’Europe a fait preuve d’une mobilisation financière sans précédent, en apportant un soutien massif à l’Ukraine sur le plan logistique et militaire, ce qui constitue, en soi, un succès en termes de réactivité et d’adaptation de ses propres dispositifs et ce, dans une relative unité politique. L’Union européenne et ses États membres, depuis le début du conflit ont mis à disposition de l’Ukraine et de sa population une aide de plus de 77 milliards d’euros soit 38,3 milliards d’assistance économique,17 milliards en faveur des réfugiés et 21,76 milliards sur le plan militaire (source : Conseil de l’Europe, juin 2023).

Une question se pose toutefois : quelle est l’ampleur du soutien financier à l’Ukraine à prévoir pour les prochaines années et l’Union, nonobstant ses déclarations de soutien indéfectible à l’Ukraine [22] , pourra-t-elle maintenir un tel effort financier à moyen terme ?

Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, l’aide financière de l’Union pourrait en effet s’élever à 50 milliards d’euros pour la période 2024-2027. En tout état de cause, les sources et les conditions de ce financement restent aujourd’hui incertaines, Bruxelles n’ayant pas établi de véritable plan stratégique et alors même que la plupart des engagements financiers ne sont, ni planifiés et ni coordonnés.

S’agissant du soutien logistique et militaire, lors d’une réunion informelle des chefs d’État, le 7 octobre 2022, les dirigeants européens ont mis en place un dispositif de « missions militaires » de formation visant à aider l’Ukraine, sur une durée de 2 ans. Cette mission d’assistance militaire a pour objectif de contribuer au renforcement des capacités des forces armées ukrainiennes à mener des opérations militaires et à défendre son intégrité territoriale. Ce soutien massif constitue un précédent pour l’Union, qui finance, pour la première fois et directement, la production d’armes et de munitions.

C’est ainsi que le projet proposé en mai 2023 par la Commission européenne, a bénéficié d’une procédure accélérée et du vote, par le Parlement européen, d’une loi de soutien à la fabrication de munitions d’artillerie, de missiles et de composants (ASAP), au travers d’une première enveloppe financière de 500 millions d’euros [23]. Les fonds ainsi mobilisés à destination de l’industrie militaire ne sont d’ailleurs pas exclusifs. Les Etats membres pourront aussi, décider souverainement, de compléter cette enveloppe, en réorientant des financements obtenus dans le cadre du plan européen de relance et, par ailleurs, par l’apport de soutiens logistiques, sous forme de livraison d’armements et de formation de pilotes.

Le rendez-vous de la souveraineté européenne

La guerre russo-ukrainienne peut-elle agir comme un accélérateur de la souveraineté de l’Europe ? Rappelons qu’en matière de défense, les Européens n’ont pas fait le choix de la souveraineté mais celui de la sujétion à l’OTAN, autrement dit aux États-Unis d’Amérique. Au sein de l’Union, un véritable clivage apparaît entre les Etats – notamment ceux qui à l’Est de l’Europe privilégient le renforcement de l’Alliance sous l’égide des États-Unis – et ceux, en particulier la France, l’Espagne et la Grèce et désormais l’Allemagne, qui prônent un déploiement plus autonome.

Toutefois en se dotant d’une « boussole stratégique » - forme de Livre Blanc - adoptée lors du Conseil européen des 24 et 25 mars 2022, l’Union européenne a incontestablement voulu franchir un nouveau cap dans sa politique de défense et de sécurité, en définissant ses intérêts vitaux et stratégiques en tant que tels ainsi que les dispositifs industriels et militaires à renforcer pour garantir sa sécurité. Ce document cadre fixe ainsi les objectifs de l’Union jusqu’en 2023 autour de quatre axes : “Agir”, concernant la gestion de crise - “Assurer la sécurité”, se rapportant notamment aux menaces hybrides - “Investir », lié au développement des capacités de défense de l’Union - “Travailler en partenariat”, visant à renforcer les partenariats des européens pour améliorer la portée de l’action conduite en matière de sécurité et de défense.

Cette guerre vient également bouleverser la mécanique européenne, modifiant le rythme de certaines procédures d’adhésion et imposant de nouveaux débats au sein de l’Union, à la fois sur ses frontières et sur sa gouvernance.

A l’issue du Brexit, la tendance au sein des 27 était de limiter l’adhésion de nouveaux entrants et de consolider l’existant. Or, par un cruel renversement de l’Histoire, les 27 se retrouvent dos au mur face à l’Ukraine qui, du fait de son invasion par la Russie, frappe à la porte de l’Europe pour rejoindre au plus vite le club des européens.

Au-delà, ce conflit russo-ukrainien a donné l’opportunité à des pays candidats de demander l’accélération du processus d’adhésion à l’Union, considérant que rejoindre « la maison commune de l’Europe » constitue aujourd’hui une nécessité géopolitique et en même temps une forme de protection face à la menace russe d’empiètement sur les confins du continent européen, voire, un devoir moral à l’égard de l’Ukraine « pour le sang versé ».

Les « risques » d’un nouvel élargissement

S’agissant de la candidature de l’Ukraine, la France a indiqué, en mai 2023, que l’élargissement était une condition préalable à la souveraineté européenne et qu’il devait avoir lieu « le plus vite possible », rompant ainsi avec une position considérant l’adhésion de nouveaux membres comme une menace pour la cohésion de l’Union. Ce changement d’attitude face à l’Ukraine est en soi porteuse de difficultés à plus d’un titre.

Nous n’épuiserons pas ici le débat sur l’appartenance de tel ou tel Etat au bloc européen à partir de critères historiques et géographiques. Il demeure que l’adhésion de l’Ukraine, qui a obtenu en juin 2022 (comme la Moldavie), le statut de candidat et milite activement pour un statut de membre à part entière dès 2024, vient fortement bouleverser le calendrier communautaire. Une adhésion hâtive de l’Ukraine à l’Union Européenne, dès 2024, ne manquerait pas de créer un précédent et de susciter une profonde incompréhension de la part des sept pays déjà candidats à une adhésion (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie…) qui patientent, pour certains, depuis le début des années 2000.

En tout état de cause, le prochain sommet européen, en décembre 2023, sous présidence espagnole, doit être l’occasion pour l’Union d’arrêter sa doctrine d’élargissement, en adoptant un plan réaliste et rigoureux d’adaptation des politiques communautaires. L’enjeu sera aussi d’accepter de nouveaux membres selon un calendrier, à horizon 2030, tout en réaffirmant, à destination des candidats, la nécessité de respecter des critères stricts sur le plan politique, institutionnel, économique et de lutter contre la corruption. C’est à cette seule condition que l’entrée dans l’Union des pays des Balkans occidentaux et du trio d’anciens États soviétiques que constituent l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, est envisageable.

Faute d’observer cette rigueur calendaire et d’analyse rigoureuse du dossier de chaque candidat entrant, l’Union se condamne à commettre les mêmes erreurs que lors de l’effondrement du bloc soviétique.

Se poserait alors inévitablement la question de la cohérence et de la cohésion d’une Union élargie, avec son cortège de conséquences et de crises en matière de gouvernance d’autant plus prévisibles sur la base des mécanismes actuels d’unanimité et de consensus.

Indubitablement, un élargissement empirique et hâtif ne peut qu’affaiblir à terme l’Union européenne et indirectement complaire aux intérêts des Etats-Unis.

Ces derniers défendent en effet le modèle sur le continent européen, d’une zone de libre-échange toujours plus vaste, au détriment d’un projet de politique de souveraineté européenne. Cette analyse rejoint celle de Pascal Boniface qui n’hésite pas à voir dans le projet d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne un « cheval de Troie » américain.

Enfin, soulignons que nonobstant le discours sur la « nécessité de soutenir l’Ukraine par tous les moyens possibles » [24] , se pose la question de la capacité financière et politique de l’Union à absorber un pays de 42 millions d’habitants (avant le conflit), dont l’économie est en grande partie à reconstruire.

L’Union a -t-elle les moyens dans un contexte de croissance économique limitée, et de fort endettement de certains Etats membres, de poursuivre le soutien financier à Kiev et d’abonder considérablement les fonds structurels pour mettre à niveau de nouveaux pays entrants ?

Par ailleurs, dans l’hypothèse d’une intégration rapide de l’Ukraine, un risque de déséquilibre au sein de la politique agricole commune ne manquerait pas d’intervenir. L’Union devrait alors composer avec un géant agricole dont la surface agricole (40 millions d’hectares) est le double de celle de la France.

Le déplacement du centre de gravité de l’Europe

Conséquence inévitable d’un élargissement de l’Union en direction de l’Ukraine et de la Moldavie, le déplacement du centre de gravité de l’Europe ne serait pas sans répercussions sur les équilibres géostratégiques de l’Europe.

C’est ainsi que l’on peut déjà observer l’influence politique et stratégiques prise par les pays Baltes depuis le début du conflit russo-ukrainien alertant sur les dangers d’une Europe trop faible vis-à-vis de Moscou ? De même, la constitution d’un bloc oriental de l’Union tendrait à renforcer - nonobstant l’option « pro-russe » de Viktor Orban -, les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie), régulièrement en conflit avec Bruxelles pour leurs options « souverainistes », somme toute, très dérangeantes pour tout « l’establishment » européen….

Ce « risque » est d’ailleurs pris au sérieux par Paris et Berlin qui, lors d’une réunion le 12 juin 2023, ont réactivé le Triangle de Weimar - instance de dialogue politique créé en 1991, entre la France, l’Allemagne et la Pologne -. En effet, face au rôle central de la Pologne dans le soutien à la défense, à la reconstruction et à l’adhésion de l’Ukraine aux institutions euro-atlantiques, l’objectif de cette rencontre était double. D’une part, coordonner l’aide militaire et les garanties de sécurité que les européens entendent accorder à l’Ukraine, en amont du sommet de l’OTAN à Vilnius, les 11 et 12 juillet et du Conseil européen des 29 et 30 juin et d’autre part, replacer Varsovie, occupant désormais un rôle stratégique en Europe, dans une logique de coopération avec l’axe franco-allemand.

Cette tectonique des plaques européennes, pose d’ailleurs, en effet, à nouveau, la question de l’avenir de ce « couple » franco-allemand mis à rude épreuve durant le conflit russo-ukrainien. Si Paris et Berlin semblent s’accorder sur les objectifs de renforcement de la souveraineté européenne, les voies et moyens pour y parvenir demeurent assez clairement divergents.

L’Europe à l’épreuve d’une OTAN « renforcée »

Sans contredit, le conflit russo-ukrainien a eu pour effet de réactiver l’OTAN, décrétée en « état de mort cérébrale » par Emmanuel Macron en 2019, affaiblie sous l’administration Trump et décrédibilisée par la débâcle américaine en Afghanistan.

Parmi les bénéfices immédiats engrangés par l’OTAN, retenons :

 le renforcement du leadership américain et alors que l’organisation qui fêtera, en 2024, son 75ème anniversaire, donnant l’occasion au Président américain, Joe Biden, d’apparaître comme le grand protecteur de l’Europe, notamment en affirmant qu’il défendrait « le moindre pouce de territoire de l’OTAN » face à la Russie,
 l’effort financier des Etats européens : la guerre aux portes de l’Europe a pour autre conséquence de faire cesser au sein de l’OTAN les critiques récurrentes des États-Unis envers le manque d’investissement militaire des européens, et plus particulièrement de l’Allemagne (c’est ainsi que le chancelier Scholz a annoncé, le 27 février 2023, que Berlin consacrera, d’ici à 2024, plus de 2 % de son PIB à son appareil de défense, répondant à une demande formulée par les États-Unis depuis des années et qui constitue un revirement historique de la politique militaire allemande),
 l’unité des membres de l’Alliance et alors que l’on pouvait douter de la loyauté de certains pays membres, en raison de positions diplomatiques particulières, de jeux géopolitiques ou d’intérêts économiques (si l’on excepte les contorsions diplomatiques de la Hongrie et de la Turquie face à la Russie), l’OTAN a pu jusqu’à présent présenter l’image d’un bouclier uni et efficace face à l’invasion Russe, en adoptant notamment à l’unanimité, le programme d’assistance pluriannuel destiné à aider l’Ukraine,
 l’élargissement du périmètre de l’OTAN : effet direct de la menace militaire russe, les pays limitrophes ou proches de la zone de guerre sollicitent la protection du bouclier militaire de l’OTAN, parfois au prix d’une rupture de doctrine militaire et diplomatique, voire à abandonner leur statut historique de neutralité, à l’instar de la Finlande et de la Suède [25].

De surcroît, trois autres pays se sont portés candidats à l’adhésion à l’Alliance : la Bosnie- Herzégovine, la Géorgie et l’Ukraine. S’agissant de cette dernière, le sommet de Vilnius a rappelé que « l’adhésion de l’Ukraine se fera en une étape et non en deux étapes ». Cette annonce dérogatoire en termes de délais et de procédure d’adhésion, constitue incontestablement un signe d’espoir pour Kiev qui souhaite intégrer au plus vite l’OTAN. Pour autant, il y a loin de la coupe aux lèvres et le sommet de Vilnius ne s’est engagé sur aucun calendrier. Plus encore, si le Secrétaire Général de l’Alliance Jens Stoltenberg a pu déclarer à l’endroit du Président Ukrainien, Volodymyr Zelenski, que l’Ukraine était aujourd’hui « plus proche de l’OTAN qu’elle ne l’a jamais été », il a également indiqué « qu’une invitation formelle d’adhésion lui sera adressée lorsque les Alliés auront décidé que les conditions seront réunies ».

A bien des égards, l’OTAN apparaît donc plus que jamais, comme le seul « défenseur » crédible de l’Europe, ce qui traduit incontestablement une perte d’autonomie stratégique de l’Union et fragilise un peu plus la recherche de souveraineté européenne, notamment défendue par la France.

Peut-on légitimement s’interroger sur la capacité et la volonté réelle des 27 à prendre leur destin en main, sur le plan d’une défense collective, alors même que l’Alliance leur offre un bouclier efficace et rassurant. Pour autant, les européens doivent se garder de toute candeur face à une Alliance, dominée par les Etats-Unis, qui au gré des administrations qui se succèdent, peuvent remettre en cause l’intérêt et la légitimité de l’institution comme cela fût le cas, d’une certaine manière, sous la présidence Trump.

Enfin, le vieux continent ne peut ignorer les réorientations stratégiques de l’OTAN. En 2022, l’Alliance a en effet acté, face aux tensions grandissantes et à la constitution de blocs concurrents, que le centre de gravité géopolitique de la planète se déplaçait en direction de la zone « indopacifique », entérinant ainsi une collaboration de plus en plus étroite dans cette région avec des partenaires partageant les mêmes valeurs.

Les nouvelles divisions du monde

Ainsi, force est de constater, qu’après la gestion de la pandémie de Covid 19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue - en dehors des enjeux, tels que développés plus haut, concernant directement notre vieux continent - un tournant géopolitique décisif, qui incite à de multiples repositionnements stratégiques des grandes puissances et de leurs alliés respectifs …

Vladimir Poutine indiquait quant à lui, à la fin de l’année 2022, à qui voulait bien l’entendre, « que la justesse morale et historique » était du côté de la Russie », fustigeant, au passage, les occidentaux qui utilisent « cyniquement l’Ukraine pour affaiblir et diviser son pays (…) et c’est, pour cela, poursuit-il, que nous nous battons aujourd’hui en protégeant notre peuple dans nos propres territoires historiques » [26].

Il faut admettre en effet, et bien au-delà de l’opération militaire en Ukraine en tant que telle, que Vladimir Poutine a, en réalité, lancé un véritable défi au monde, en organisant, notamment, « une croisade contre l’hégémonie de Washington » [27]. Cette « croisade » est d’abord dirigée, selon l’analyse de Guillaume Bigot, contre la mondialisation américaine, bénéficiant alors, depuis plusieurs décennies, d’une « double police d’assurance » : d’une part, la sécurisation des voies de communication maritimes par l’US Navy et, d’autre part, la stabilité du dollar, monnaie internationale de référence dans les échanges internationaux.

Dès lors, à travers la guerre russo-ukrainienne c’est bien le système économique international, dominé par les Etats-Unis, qui se fissure : des chaînes d’approvisionnement en difficulté, un marché de l’énergie chamboulé, le retour, sur fond de sanctions économiques, de l’inflation, voire de la spéculation et avec, pour conséquence, la mise en place de « circuits commerciaux et de modes de règlement internationaux parallèles » [28] , plus particulièrement concernant la vente du pétrole russe…. En effet, depuis le 5 décembre 2022, alors que l’Union européenne a interdit aux compagnies occidentales le transport maritime du brut russe, l’itinéraire de livraison emprunte de nouvelles routes, au travers d’un axe reliant, notamment, la Russie à l’Inde et avec la mise en œuvre d’opérations cachées de « transbordement » entre navires, en mer méditerranée. Au point de constater que « l’Inde serait devenue le principal pays blanchisseur du pétrole russe en Europe » [29] . Ses exportations de pétrole vers le vieux continent sont alors passées de 287 millions de dollars en 2021 à 1 milliard de dollars en avril 2023 [30].

Il s’agit bien pour la Russie, d’abord désireuse de reconquérir l’influence, voire d’exercer un nouveau contrôle, sur les territoires qui appartenaient à l’ex-Union Soviétique, de profiter du « chaos » ainsi provoqué, pour « dédollariser » le monde.

En dépit de fortes divergences, au moins sur un plan tactique, la Chine, la Turquie ou encore une partie des pays du « Sud », se montrent d’ailleurs, peu ou prou, « solidaires », parfois à mots couverts, de la Russie, dans cette opposition à « l’ordre » économique et financier nord-américain [31] .

Autre sujet de préoccupation : la dénonciation, en juillet 2023, par la Russie, de l’accord céréalier, scellé avec Kiev, un an plus tôt - garantissant alors un corridor d’exportation du blé ukrainien sur la mer Noire [32] - qui risque de déstabiliser durablement les marchés en ce domaine [33], de susciter de fortes tensions inflationnistes et de mettre en péril la sécurité alimentaire de l’Afrique. A cet égard, le pouvoir russe, se déclarant avant tout victime des sanctions et de l’intransigeance occidentale, a tenté, lors du sommet « Russe-Afrique », organisé à Saint-Pétersbourg, en juillet 2023, de rallier à sa cause certains dirigeants africains « alliés », en n’hésitant pas à livrer « gratuitement » des céréales aux pays les plus pauvres de ce continent. Ainsi, contournant les blocages économiques, la Russie est parvenue à fournir du blé en grande quantité à ses partenaires africains, dans un cadre, « relevant parfois plus du troc que du commerce international moderne » [34] .

Par ailleurs, le récent coup d’Etat intervenu au Niger, après ceux entrepris dans d’autres pays du Sahel, illustre assez bien, une fois encore, cette théorie des « dominos », résultat de l’offensive russe menée, depuis plusieurs années, en Afrique, notamment contre l’influence française mais aussi américaine [35] . Cette nouvelle donne consacre, d’une certaine manière, l’échec des opérations Serval et Barkhane et le rejet, par les peuples, de la démocratie « à l’occidentale ». Et alors que les mercenaires du groupe « Wagner » [36] s’infiltrent sur le terrain et, au gré des renversements de régime, permettant à la Russie d’accroître sa présence militaire et économique en Afrique, notamment en Centrafrique, au Soudan et au Mali et, peut-être, demain, au Burkina Faso et au Niger, en fonction des aléas politiques et diplomatiques à venir….

Si dans cette région du Sahel, hautement stratégique, la France a perdu en légitimité [37], les Etats-Unis, également fortement représentés militairement (à partir de la base d’Agadez), ont, d’ores et déjà indiqué que la priorité était bien, avec l’aide, si possible, de l’Union européenne, de l’Union africaine et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) [38], la poursuite de la lutte engagée contre les mouvances djihadistes. Et d’empêcher, par ailleurs, la prise de contrôle des paramilitaires russes de cette partie de l’Afrique : des unités très organisées qui menaceraient, selon Victoria Nuland, sous-secrétaire d’Etat américain, « la souveraineté » des pays concernés [39].

Dans ce cadre, le Niger, occupant une position centrale entre le Sahel, l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, constitue une zone à risque et à fort enjeu [40] , en contact, d’une part, avec la Lybie, où les paramilitaires de « Wagner » sont déjà installés et le Nigeria et d’autre part, puissance régionale, comptant divers groupes djihadistes sur son sol.

Nous le constatons, si le Président Russe, en déployant son armée dans un Etat souverain, a rompu avec « l’ordre » européen qui dominait depuis le début des années 1990, il est bien difficile de cerner, comme déjà évoqué, ce qui adviendra vraiment … Aux Etats-Unis, si la doctrine présidentielle consistant, après plusieurs décennies, à se concentrer d’abord sur la question de la rivalité avec la Chine, demeure une priorité, celle-là semble faire l’objet d’une révision « partielle », ou au moins, d’une légère inflexion… Il n’en demeure pas moins que l’aide militaire accordée par les Etats-Unis à l’Ukraine, engendrant de nouvelles dépenses, divise, au sein même du Parti Républicain, les partisans d’un engagement international de ceux, communément qualifiés, de « néo-isolationnistes ».

Phillipe MOCELLIN et Philippe MOTTET, le 4 septembre 2023

Plus globalement, compte-tenu de la durée supposée du conflit sur le sol européen et de ses conséquences visibles et immédiates, cet affrontement est appelé à déboucher sur une recomposition des relations internationales, faisant apparaître les contours d’une seconde « guerre froide »… .

Elle sera analysée dans la partie II de cet article... Publication, 3eme semaine de septembre

Notes

[1« Introduction à la géopolitique, en 50 fiches ». Editions Ellipses, 2019 et d’un essai politique : « Le monde des possibles : comment réconcilier les peuples avec la mondialisation ? », 2020. VA Editions

[2Cf. Philippe Mocellin, Philippe Mottet, Le monde des possibles (comment réconcilier les peuples avec la mondialisation ?) VA Editions, Collection Indiscipliné, 2020

[3Henry Kissinger, L’ordre du monde, Fayard, 2016

[4Cf. Pierre Hassner, Feu (sur) l’ordre international ? Revue Esprit, n° 407, août-septembre 2014

[5Cf. Philippe Mocellin, Philippe Mottet, op.cit., 2020

[6Sans compter sur les conceptions défendues respectivement, pendant la seconde moitié du XIXe siècle, par le ministre autrichien des affaires étrangères, Klemens von Metternich et par le ministre-président prussien, Otto von Bismarck, prônant un certain retour aux rapports de force.

[7Cf. Pierre Hassner, op. cit.

[8Et en réponse à l’adhésion de la RFA à l’OTAN, la signature, en mai 1955, du Pacte de Varsovie : alliance militaire, associant l’URSS, l’Albanie, la Roumanie, la Pologne, la Hongrie, la RDA et la République tchécoslovaque mais aussi instrument de répression, qui empêchera alors toute émancipation politique des pays de l’Europe de l’Est.

[9Cf. Philippe Mocellin, Le multilatéralisme en question, GéopoWeb, 7 janvier 2021

[10Alexandre Kojève annonçait déjà en 1968 la généralisation inéluctable du mode de vie américain sur l’ensemble de la planète.

[11Cf. également les analyses éclairantes de Bertrand Badie, Nous ne sommes plus seuls au monde, Un autre regard sur « l’ordre international », La Découverte, 2016

[12Concept emprunté à Nobert Elias, et « même si le Président de la République française en reste cependant au constat… », selon Boualem Sansal, auteur de Gouverner au nom d’Allah, islamisation et soif de pouvoir dans le monde arable, Folio, 2013 (indiquant que « la France se heurterait à la fois, à un processus de décivilisation et de choc des civilisations »).

[13Cf. Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux (l’enquête), O. Jacob, 2023

[14Cf. Romuald Sciora in Correspondances new-yorkaises, 6 juillet 2021

[15Maurice Vaïsse, Les relations internationales depuis 1945, A. COLIN, 2019

[16Pascal Boniface, Hubert Védrine, L’atlas géopolitique du monde global (100 cartes pour comprendre un monde chaotique), A. COLIN, 2020

[17Cf. Jean-François Fiorina, in Huffpost, 13 octobre 2015

[18Op.cit. Huffpost

[19Déclaration d’Hubert Védrine dans Le Figaro, septembre 2015

[20« L’Europe restera ouverte mais sans naïveté dans un monde qui a changé par rapport à il y a 30 ans », selon les préconisations de Thierry Breton, Commissaire européen

[21Question d’Europe n° 658 27/02/2023

[22Ursula Van Der Leyen à Davos en janvier 2023

[23Depuis ce premier accord, les 27 ont approuvé un nouveau plan de deux milliards d’euros, avec pour objectif d’envoyer en Ukraine, un million d’obus de 155 mm en 2023 (une première cargaison de 223 800 obus a déjà été livrée, comme annoncé, le 11 août 2023, par le porte-parole de l’Union européenne, Peter Stano). Au total, l’Union et l’ensemble de ses Etats membres affirment avoir octroyé, depuis le début du conflit en février 2022, 20 milliards d’euros d’aide militaire de toute nature à l’Ukraine.

[24Force est de constater, à l’heure où nous publions cette contribution, que l’Ukraine, fortement résistante depuis le début du conflit, se heurte aussi, malgré l’aide militaire occidentale, à une armée russe qui semble vouloir, dans une véritable guerre de positions, « jouer la montre… ». A la mi-août 2023, Kiev aurait repris 200 km² aux russes et alors que ceux-ci ont conquis 40 000 km², depuis l’offensive de février 2022. Autrement dit, l’effondrement russe annoncé, au travers des tentatives que mènent l’Ukraine pour percer les lignes de l’ennemi, n’a pas eu lieu. Dans un tel contexte, cette guerre risque fort de durer… Si l’option consistant à céder à la Russie n’est pas entendable pour les occidentaux, la seule solution est donc d’intensifier les livraisons d’armes à l’Ukraine afin de lui donner la possibilité – première victoire stratégique – de repousser les forces russes, présentes dans le sud du pays et donc, de prendre place en vue de menacer militairement la Crimée… ! Cf. Patrick Saint Paul, Guerre longue, Le Figaro, 10 août 2023

[25Pour ces deux Etats, la règle de l’unanimité des Etats membres de l’Alliance, requise par l’article 10 du Traité de Washington, s’est heurtée pendant près de dix-huit mois au véto de la Hongrie et de la Turquie. Toutefois, la Finlande a rejoint effectivement les rangs de l’Alliance, le 4 avril 2023 et la candidature de la Suède semble désormais bien engagée, depuis qu’Ankara, en marge du sommet de l’OTAN à Vilnius en juillet 2023, a donné son accord pour soumettre cette candidature à ratification.

[26La Dépêche.fr, 31 décembre 2022

[27Cf. Guillaume Bigot, Poutine, le dynamiteur, Front Populaire, n°11, décembre 2022/ janvier-février 2023

[28Guillaume Bigot souligne que pour la première fois depuis 1945, l’Arabie Saoudite « a osé vendre son or noir dans une autre devise que la monnaie américaine ».

[29Cf. Julien Bouissou, Des navires fantômes sur les nouvelles routes du pétrole russe, Le Monde, 7 août 2023 (l’Inde ayant appartenu, au temps de la « guerre froide », aux pays dits « non alignés »). Et pourtant, en matière de technologie et de défense, l’Inde, géant démographique, doté d’un taux de croissance de 7 % et troisième puissance mondiale potentielle, aurait plutôt choisi… les Etats-Unis. Cf. Alain Frachon, Le Monde,13 juillet 2023 indiquant que « cette neutralité diplomatique affichée est d’abord conduite avec talent et opportunisme ». A ce titre, le premier ministre Narenda Modi (invité d’honneur de la France lors du défilé militaire du 14 juillet dernier), a délivré, au mois de juin 2023, aux Etats-Unis, un message clair : « l’heure de l’Inde est venue ». Profitant de la rivalité des Etats-Unis avec la Chine, l’Inde s’apprête en effet à accueillir un bon nombre de grands de la technologie américaine, résultat de « délocalisations afin de sécuriser les chaînes de production ».

[30A noter que les actuelles réductions de production de la Russie et de l’Arabie Saoudite font remonter les prix du pétrole (passés de moins de 70 dollars par baril en juin dernier à plus de 85 en août 2023). Si pour l’Arabie Saoudite, il s’agit avant tout d’augmenter ses recettes afin de financer son plan de développement « Vision 2030 », tout en maintenant une « relation de client avec l’occident », la Russie a d’abord pour objectif, au-delà de la nécessaire couverture de ses dépenses militaires, de déstabiliser les économies européennes. Cf. Jean-Pierre Favennec, Nouveau choc pétrolier ou simple hoquet : où nous mènent l’Arabie Saoudite et la Russie ? Atlantico, 11 août 2023

[31Il est à souligner que Pékin a répondu favorablement à l’invitation du prince Mohammed Ben Salman, ayant réussi ainsi à réunir, les 5 et 6 août 2023 à Djedda, une quarantaine de pays dans le cadre de pourparlers menés autour du conflit russo-ukrainien.

[32Cet accord, obtenu grâce à l’implication de la Turquie (jouant, depuis de nombreux mois, un jeu « trouble » avec la Russie), a permis en effet l’exportation, depuis juillet 2022, en contournant le blocus russe sur les ports ukrainiens, de 33 millions de tonnes de céréales. A la veille de cette dénonciation, Moscou avait pourtant laissé encore une chance à la diplomatie (certes, par le chantage et au travers, d’abord, de la défense de ses intérêts économiques), en proposant, en échange du maintien de cet arrangement « céréalier », la réintégration, au sein du système interbancaire Swift, de la banque agricole russe, Rosselkhozbank, (appartenant à la famille Patrouchev, proche du chef du Kremlin). Cf. Nicolas Bourcier et Nicolas Ruisseau, Vladimir Poutine enterre l’accord céréalier, Le Monde, 19 juillet 2023

[33Les ports ukrainiens du Danube, Reni et Izmaïl, sont régulièrement bombardés par l’armée russe, endommageant des milliers de tonnes de céréales. Cf. Florence Aubenas, A Reni et Izmaïl, les ports ukrainiens du Danube, cibles de Moscou, Le Monde, 4 août 2023 à propos, plus particulièrement, du positionnement géostratégique de ces deux ports modestes, situés aux confins de la Bessarabie et des prises de position « antirusse » de certains acteurs économiques, notamment de Viking Alliance, constructeurs d’un terminal à conteneurs à Reni (le seul d’Ukraine) et partenaire du danois Maersk, « un des plus grandes holdings de transport et de logistique du monde ».

[34Cf. Nicolas Bourcier et Nicolas Ruisseau, Le Monde, op.cit.

[35Cf. Patrick Saint Paul, Le dernier domino, Le Figaro, 28 juillet 2023

[36Certains observateurs s’interrogent déjà sur la manière dont Vladimir Poutine va diriger certaines opérations militaires après la mort « présumée », le 23 août 2023, dans un crash aérien, du patron de « Wagner », Evgueni Prigojine Cf. Le Monde, 24 août 2022

[37Cf. dans ce contexte d’hostilité, le point de vue d’Emmanuel Grégoire, Niger : le positionnement très ferme de la France se retourne contre elle et fait le jeu des militaires, Le Monde, 20 août 2022 et celui défendu, par ailleurs, par Louis Aliot, Pourquoi la France doit renouveler sa relation avec l’Afrique, in l’Opinion, 20 août 2023

[38L’Union africaine a rejeté, en date du 10 août 2023, l’idée d’un recours à la force face à la junte militaire nigérienne et s’est donc désolidarisée de la Cédéao, Le Monde, 16 août 2023. La Cédéao a brandi à nouveau, quant à elle, la menace d’une intervention militaire pour restaurer l’ordre constitutionnel, tout en poursuivant « la voie pacifique », au travers d’une mission diplomatique Cf. JDD, 19 août 2023 et Le Monde du 15 août 2023

[39La porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh, a précisé, « qu’il n’était pas question de mettre un terme au partenariat avec le Niger et de tirer un trait sur les investissements », Ouest-France, 16 août 2023

[40La porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh, a précisé, « qu’il n’était pas question de mettre un terme au partenariat avec le Niger et de tirer un trait sur les investissements », Ouest-France, 16 août 2023

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« ENTRE IGNORANCE ORGANISÉE ET RÉSILIENCE, LA GESTION DE LA CATASTROPHE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA PAR LA RESPONSABILISATION DES VICTIMES ». Alexandre VAUVEL

UKRAINE. « IL FAUDRAIT PROCÉDER À UNE REFONTE DES TRAITÉS QUI RÉGULENT LA SÉCURITE EUROPÉENNE »

DE LA SOCIÉTÉ POST-INDUSTRIELLE À LA SOCIÉTÉ HYPER-INDUSTRIELLE. LA RÉHABILITATION DE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE. Par Arnaud PAUTET

NE PAS SE SOUMETTRE À L’HISTOIRE. IMPRESSIONS DE « DÉJA VU »

LA MONDIALISATION A ENGENDRÉ UNE CONFLICTUALITÉ PERMANENTE. Par Raphaël CHAUVANCY

ÉTHIQUE NUMERIQUE ET POSTMODERNITÉ. Par Michel MAFFESOLI

UNE MONDIALISATION À FRONT RENVERSÉ

LES DESSOUS GÉOPOLITIQUES DU MANAGEMENT. Par Baptiste RAPPIN

LE COVID-19 S’ENGAGE DANS LA GUERRE MONDIALE DES VALEURS. Par J.P. Betbeze

LE MULTILATERALISME EN QUESTION. Par Philippe MOCELLIN

« LE VRAI COUPABLE, C’EST NOUS » !

VIVE L’INCOMMUNICATION. Par Dominique WOLTON

LES SENTIERS DE LA GUERRE ECONOMIQUE. Par NICOLAS MOINET

LE RETOUR DES NATIONS... ET DE L’EUROPE ?

LES FUTURS POSSIBLES DE LA COOPERATION FRANCO-ALLEMANDE. Claire DEMESMAY

GEOPOLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE. Julien DAMON

L’ACTUALITE DE KARL POLANYI. Par Nadjib ABDELKADER

« LE MONDE D’AUJOURD’HUI ET LE MONDE D’APRES ». Extraits de JEAN FOURASTIE

VERS UNE CONCEPTION RENOUVELÉE DU BIEN COMMUN. Par F. FLAHAULT

« POUR TIRER LES LEÇONS DE LA CRISE, IL NOUS FAUT PRODUIRE MOINS ET MIEUX ». Par Th. SCHAUDER

AVEUGLEMENTS STRATEGIQUES et RESILIENCE

Mondialisation, Etats, organisations, relations interpersonnelles : QUELS EXERCICES DISCURSIFS DU POUVOIR ? O. DUPONT

LE CAPITALISME et ses RYTHMES, QUATRE SIECLES EN PERSPECTIVE. Par Pierre Dockès

NATION et REPUBLIQUE, ALLERS-RETOURS. Par Gil DELANNOI

L’INDIVIDU MONDIALISE. Du local au global

LE DEFI DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE par N. Moinet

De la MONDIALISATION « heureuse » à la MONDIALISATION « chute des masques »

MYTHE ET REALITE DE LA SOCIETE ENTREPRENEURIALE. L’entrepreneur, « l’homme à tout faire du capitalisme » ? Par Sophie Boutillier

Lectures GEOPOLITIQUES et GEOECONOMIQUES

DEUX THEORIES DU POPULISME

QUAND le SUD REINVENTE le MONDE. Par Bertrand BADIE

L’ETAT-NATION N’EST NI UN BIEN NI UN MAL EN SOI". Par Gil Delannoi

LA MONDIALISATION et LA SOUVERAINETE sont-elles CONTRADICTOIRES ?

SOLIDARITE STRATEGIQUE et POLITIQUES D’ETAT. Par C. Harbulot et D. Julienne

La gouvernance mondiale existe déjà… UN DIALOGUE CRITIQUE AVEC B. BADIE

LA LITTERATURE FAIT-ELLE DE LA GEOPOLITIQUE ?

PENSER LA GUERRE AVEC CLAUSEWITZ ?

L’expression GUERRE ECONOMIQUE est-elle satisfaisante ?

LA GEOPOLITIQUE et ses DERIVES

A propos d´un billet de Thomas Piketty

Conférence de Bertrand Badie : Les embarras de la puissance (9 février 2014)

Conférence de Bertrand Badie : L’humiliation : une pathologie des relations internationales (6 novembre 2014)