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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC EMMANUEL LINCOT sur la Chine et l’Asie centrale. « LE TRÈS GRAND JEU »

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LES PARAMÈTRES DE LA STRATÉGIE DE DÉFENSE DE L’IRAN. Par Tewfik HAMEL

vendredi 16 avril 2021 Tewfik HAMEL

On lira avec grand intérêt l’article de Tewfik HAMEL (1), au moment où Vienne accueille ces jours-ci pour la seconde fois, des discussions sur le nucléaire iranien, à la suite de la décision de Joe Biden de revenir dans la négociation (cf accord de juillet 2015). L’auteur analyse avec précision les grandes difficultés historiques qui rendent incertaines toute négociation : humiliations réciproques, sanctions et représailles, cf attaque récente du site nucléaire de Natanz (11 avril, 0121), enrichissement à 60 % de son uranium en réponse, forces extérieures mais aussi intérieures, etc... Ce qui est en question, c’est le rôle de puissance régionale de l’Iran. Le champ d’analyse est large pour évaluer l’équilibre politico-stratégique et militaire du Moyen Orient de demain.
S’il est question de l’opposition historique Etats-Unis/Iran, du programme nucléaire iranien, de sa stratégie militaire en guerre asymétrique etc... , c’est tout le coeur de l’équilibre régional qui est mobilisé par l’auteur, avec des puissances montantes telles que la Turquie, d’autres pays en embuscade etc...

(1) Tewfik HAMEL, Docteur en Histoire militaire & Etudes de défense. Professeur d’Histoire-Géographie (Académie de Strasbourg), consultant (Strategia, Madrid). Auteur de nombreux rapports (institutions publiques et privées) et contributions (Français, Anglais et Arabe).

LES PARAMÈTRES DE LA STRATÉGIE DE DÉFENSE DE L’IRAN

Sans négliger les rôles des puissances extérieures, l’expérience du Moyen-Orient est le point culminant de tendances, passions et modèles de comportement endogènes. Au niveau tactico-stratégique, la situation régionale est influencée par l’apparition de menaces de diverses dimensions ; la diffusion de la technologie militaire ; la présence de diverses forces difficiles à identifier et dissuader ; l’intensification des rivalités régionales et l’implication massive d’une multitude d’acteurs extérieurs, y compris des puissances mondiales qui luttent pour promouvoir et protéger leurs intérêts. Indépendamment de son issue, l’intervention américaine en Irak a eu un effet transformateur, affectant l’équilibre régional des puissances, les perceptions locales de la crédibilité américaine, la stabilité intérieure des États voisins et les tendances du terrorisme.

Certains des changements en cours risquent de modifier sensiblement l’équilibre politico-stratégique et militaire moyen-oriental notamment : 1) L’évolution des relations stratégiques entre l’Iran et ses voisins arabes et l’incertitude du futur rôle des États-Unis dans le Golfe ; 2 ) La capacités croissantes et de plus en plus sophistiquées de l’Iran en matière de guerre asymétrique ; 3) La normalisation des relations d’Israël avec pays arabe ; 4) L’impact de la réussite de l’Iran dans le développement et la modernisation de son industrie militaire notamment dans le domaine des missiles à guidage de précision et la défense aérienne ; et 5) ; le rôle de plus en plus accru de la Russie de la Chine dans la région [1] ; 6) la quête de la Turquie de l’autonomie stratégique et l’adoption d’une posture de plus en plus offensive.

Un mot sur la Turquie : Les drones ont contribué à promouvoir la montée en puissance de la Turquie en tant que puissance régionale. Ankara a façonné de façon décisive les résultats de trois conflits - Syrie, Libye et Haut-Karabakh. La Turquie ne s’est alignée en permanence sur aucun acteur. Elle s’est opposée aux puissances sunnites, les États du Golfe, en Libye ; se rangea simultanément du côté de Moscou en achetant le système de défense aérienne S-400 tout en attaquant les forces russes en Syrie ; et a refusé d’aligner ses objectifs avec Washington même si elle est membre de l’OTAN. Pourtant, elle a également vendu des drones TB2 à l’Ukraine [2] . Pour Kinzer, la Turquie est le pays à surveiller – tiraillée entre l’Europe et l’Asie, entre les gloires de son passé ottoman et ses espoirs pour un avenir démocratique, entre la domination de son armée et les besoins de ses citoyens civils, entre ses attentes séculières et ses traditions musulmanes [3]. Peu à peu depuis le début de la décennie 2000, Recep Erdogan a cherché à faire de la Turquie une grande puissance et une puissance autonome Moyen-Orientale. Il a affirmé l’influence turque dans des questions étrangères majeures de Gaza à l’Égypte en passant par la Syrie, la Méditerranée, provoquant des crises avec des alliés de l’OTAN. Ankara a manifesté une indépendance politique et stratégique et adopté une politique étrangère de style impérial qui visait à restaurer la grandeur de l’ère ottomane dans les Balkans et Moyen-Orient arabe.

Dans un sens, le cœur du système régional - notamment l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Syrie – a été éclipsé par de nouvelles puissances non arabes : la Turquie, Israël et l’Iran. Concernant ce dernier, le moins que l’on puisse dire est que le contexte sécuritaire dans lequel opère le pays a changé et est devenu plus complexe - une tendance qui devrait se poursuivre. Avec relativement peu de partenaires et encore moins d’alliés [4], l’Iran est confronté à une pléthore d’adversaires régionaux et même mondiaux, allant de concurrents géopolitiques historiques comme l’Arabie saoudite [5] et la Turquie à des ennemis carrément hostiles tels que les Etats-Unis et Israël. Compliquant davantage sa situation, les capacités militaires de l’Iran sont qualitativement inférieures dans un certain nombre de domaines, et son économie, entravée par des sanctions sévères, ne permet pas des dépenses de défense beaucoup plus importantes. Son budget militaire est insignifiant comparé à ceux de ses rivaux comme l’Arabie saoudite ou Israël. L’Iran consacre environ 4,5% de son PIB à sa défense. Ses dépenses militaires en 2018 s’élevaient à plus de 13 milliards de dollars, le classant au 18e rang mondial, selon SIPRI. Les forces armées iraniennes comprennent 610 000 de personnels actifs et 1 060 000 de réservistes.

L’environnement de sécurité de l’Iran : un panorama stratégique

La forme des conflits actuels et les technologies émergentes revêtent différentes faces qui brouillent les frontières traditionnelles. Dans l’environnement de sécurité émergeant hautement technologique, au niveau opérationnel les militaires sont censés intégrer leurs plates-formes et munitions de combat dans des systèmes opérationnels avec des système de commandement, de contrôle, de renseignement, de surveillance, d’acquisition et reconnaissance, ainsi que le soutien logistique. La durabilité d’un système opérationnel dépend aussi d’une combinaison ou d’un équilibre entre capacité et taille. L’organisation, la formation et la doctrine ont donc un impact énorme sur les performances des soldats et des systèmes d’armes sur le champ de bataille. Un problème méthodologique des analyses des capacités militaires de l’Iran est qu’elles se concentrent sur les plates-formes, les armes individuelles et le retard de la technologie militaire de l’Iran tout en ignorant la vision d’ensemble. Ce qui conduit à sous-estimer les capacités de reposte de l’Iran. Le niveau opérationnel de l’activité militaire se focalise sur l’emploi de forces majeures pour atteindre des objectifs stratégiques dans un théâtre de guerre donné, c’est-à-dire une campagne spécifique. L’analyse au niveau opérationnel est en effet censée aller au-delà du comptage des forces matériels, en pensant à la transformation des ressources disponibles sur le théâtre en puissance de combat efficace [6].

Justement, c’est pour compenser son infériorité que l’Iran a adopté une stratégie de « guerre asymétrique » ou hybride. Le pays projette sa puissance militaire à travers diverses institutions militaires notamment les forces régulières (armée de la république islamique d’Iran ou Artesh) et le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). L’Artesh, un mélange d’unités blindées, d’infanterie et mécanisées, constitue la première ligne de défense contre les forces d’invasion. En plus de soutenir cet effort, le CGRI formerait le noyau de la résistance populaire, dont la majeure partie serait fournie par le Basij (Organisation iranienne pour la mobilisation des opprimés), les groupes proxy et la force de volontaires paramilitaires du CGRI. Tout en s’appuyant sur des groupes proxy, ces organisations servent deux objectifs stratégiques importants : assurer une position dominante dans la région et garantir la survie du régime.

Cinq facteurs clés façonnent la stratégie militaire iranienne ; 1) La méfiance historique et la confrontation continue avec les États-Unis, qui maintiennent le changement de régime et le conflit militaire sur la table. Pour les dirigeants iraniens, la présence militaire américaine dans et autour du golfe Persique reflète l’intention d’intimider ou d’attaquer l’Iran : 2) l’autosuffisance militaire selon laquelle l’Iran doit assurer sa propre sécurité sans le soutien étranger ; 3) Le troisième, nourri par des décennies de sanctions, est la nécessité d’optimiser les dépenses militaires et de développer des technologies militaires nationales ; 4) étant donné le déséquilibre à lequel l’Iran est confronté entre les menaces et les ressources, le pays a été contraint d’adopter une stratégie de guerre asymétrique ; 5) la position géopolitique de l’Iran dans une région qui héberge des intérêts concurrents et parfois conflictuels, et qui a donné lieu à une forte présence américaine, a été essentielle pour déterminer la stratégie militaire régionale de l’Iran [7].

Puisque le niveau opérationnel de la guerre est essentiel pour analyser l’équilibre militaire associé aux pires scénarios c’est-à-dire un conflit armé, il convient que garder à l’esprit que l’Iran s’appuie sur des tactiques asymétriques afin de réaliser des gains tactiques par rapport à des armes américaines plus sophistiqués. Reconnaissant limites de ses capacités militaires régulières, l’Iran a recours à des approches irrégulières pour établir sa dissuasion militaire. Cette considération a façonné la stratégie à plusieurs niveaux de l’Iran pour dissuader les actions militaires contre lui, en particulier une attaque américaine, en augmentant le coût de la guerre pour ses adversaires. L’arsenal de missiles du Hezbollah, l’engagement en Syrie, le soutien à Hamas et les Houthis, etc. font partie d’un plan plus global. L’idée structurante de ces efforts est d’entourer les ennemis de l’Iran de toutes parts d’une menace de missiles. Trois dimensions essentielles à prendre en compte pour comprendre l’élaboration de la stratégie militaire iranienne :

• L’ennemi ; identifier un ennemi particulier à vaincre en cas de guerre et un adversaire à dissuader en temps de paix. Un ennemi semble nécessaire pour donner une orientation claire et systématique à toute stratégie, pour concentrer l’esprit à la fois de l’organisation militaire et de la nation derrière lui. Quelles que soient les intentions israéliennes, pour l’Iran, seuls les États-Unis constituent la véritable menace existentielle capable de lui causer d’énormes dommages. Personne ne doute à Téhéran que le rapprochement avec Washington ferait disparaître toute menace militaire sur l’Iran. Ce dernier cherchera, autant que possible, à éviter un conflit direct avec les Etats-Unis, choisissant plutôt de contraindre des États relativement plus faibles et peut-être moins résolus à refuser aux Américains l’autorisation d’organiser des opérations à partir de bases du Golfe.

• La géographie ; la stratégie doit intégrer une géographie particulière, c’est-à-dire la géographie des mers/océans et les masses terrestres qui est l’objectifs d’engagement. L’Iran a développé une approche « à l’échelle du théâtre », utilisant différents territoires et domaines pour répondre aux adversaires, et déployant du personnel et de l’expertise au-delà des frontières nationales. Les groupes proxys servent de réserve internationale de main-d’œuvre aguerrie et fidèle au CGRI. Les efforts militaires d’Iran, axés sur la sanctuarisation du territoire national, se focalisent principalement sur le Golfe persique et le détroit d’Ormuz y compris le golfe d’Oman. Son contrôle physique des îles d’Abu Musa, du Grand Tunb et du Petit Tunb, stratégiquement situées, a une valeur militaire et stratégique [8]. En plus de permettre de mener des opérations de guérilla en mer, les revendications iraniennes sur les îles contestées sont prises en compte dans les revendications juridiques selon lesquelles il devrait contrôler l’accès au détroit d’Ormuz. En effet, tout en élargissant ses engagements sous diverses formes à l’Irak, au Yémen, au Liban et à la Syrie, Téhéran a redéfini la priorité de certains de ses exercices maritimes et efforts militaires vers la consolidation ou l’expansion des revendications territoriales dans le golfe Persique et le détroit d’Ormuz. L’Iran a commencé à investir dans les capacités nécessaires pour exécuter cette stratégie hybride « anti-accès/déni de zones » et continuerait certainement à les améliorer au cours des décennies à venir.

• L’armement qui constitue le lien de l’ennemi et la géographie. Le pays s’est concentré sur l’acquisition des capacités nécessaires pour exécuter une stratégie « anti-accès/déni de zone », en utilisant un grand nombre de missiles de croisière, d’essaims, de drones, de sous-marins et de mines. L’Iran utilise une approche de « guerre hybride » utilisant à la fois des éléments conventionnels et non conventionnels. Pour compenser son infériorité militaire, le « style de guerre » iranien met l’accent sur la nécessité d’éviter ou de dissuader les conflits conventionnels tout en faisant progresser ses intérêts de sécurité dans la région, par la propagande, la guerre psychologique et les opération par procuration. La dissuasion de l’Iran repose en grande partie sur trois capacités de base : des missiles balistiques et de croisière capables de frappes à longue portée ; des forces navales capables de menacer la navigation dans le golfe Persique et le détroit d’Ormuz ; et des opérations non conventionnelles utilisant des alliés à l’étranger [9].

La stratégie militaire de l’Iran, bien qu’elle inclût des éléments de défense avancée, est principalement axée sur la dissuasion. Les doctrines dissuasives visent à punir un agresseur et augmenter ses coûts sans référence à la réduction des siens. Et le pays a construit des capacités militaires significatives intégrées dans une vision stratégique astucieuse et complexe qui lui a permis de conforter son statut de « pivot géopolitique » et d’être un acteur stratégique régional clé en dépit de ses contraintes. Malgré en effet son poids moyen, l’Iran reste un pivot géopolitique et un acteur géostratégique de premier plan [10]. L’Iran adopte une posture « gaulliste » en cherchant l’indépendance et la grandeur nationale. Même soumis à des sanctions, il a déployé des efforts considérables pour développer une industrie de défense nationale au cours des dernières décennies. Malgré des retards significatifs - notamment le manque de technologies modernes- qui entravent l’industrie de la défense iranienne, Téhéran a obtenu un succès en modernisant bon nombre de ses armes et même en produisant des systèmes locaux utiles pour ses besoins particuliers. Le pays a réalisé des progrès dans le développement de systèmes de missiles et de drones. La stratégie de défense de l’Iran s’articule autour de axes :

• Mobilisation des forces de l’ordre, des services de renseignement et des paramilitaires pour maintenir la stabilité et l’unité internes y compris la sauvegarde du pouvoir politique et de la souveraineté du régime. Les forces sécurité sont utilisées pour étouffer les menaces émanant d’opposants politiques, de minorités ethniques et d’activités criminelles transfrontalières et internes. La Basij regroupe entre quatre et cinq millions de personnes qui gardent un œil sur les dissidents au régime. C’est une organisation paramilitaire utilisée par pour réprimer les opposants, voter en bloc et endoctriner les citoyens iraniens [11].

• La dissuasion de l’agression en utilisant l’opacité, l’ambiguïté et l’exagération de sa capacité d’imposer un coût élevé à des agresseurs potentiels. Téhéran combine exercices militaires, déclarations officielles et démonstrations de force, etc. pour dissuader les adversaires d’engager un conflit. La mise en échec de toute invasion constitue l’un des principaux objectifs de la stratégie de défense de l’Iran. Coté iranien, tôt ou tard, il faudra répondre à la menace américaine. La question : « quoi faire ? » Sans l’influence d’une idéologie quelconque, l’Iran a fait le choix de la dissuasion minimale basée sur l’augmentation du coût d’une intervention pour l’adversaire. Incapable de faire face directement aux menaces, l’Iran s’est plutôt concentré sur les points de faiblesse de ses principaux adversaires afin de rendre leurs calculs coûts-avantages défavorables à l’attaque de l’Iran.

• La défense de la patrie en recourant, en cas d’agression, à la « sainte défense » et ce que l’ancien commandant du CGRI, le général de division Yahya Rahim Safavi a appelé à une « stratégie offensive aux effets dévastateurs ». Durant l’invasion, l’Iran chercherait à protéger des cibles clés et compliquerait les efforts de l’ennemi en utilisant des moyens asymétriques pour menacer ou attaquer ses forces et intérêts. L’Iran chercherait à exécuter une stratégie périphérique qui donne une profondeur stratégique à la défense de la patrie iranienne en s’appuyant à la fois sur le soutien populaire. Téhéran y voit une forme de défense avancée. En 2014, le guide suprême Ali Khamenei a déclaré : « Nous avons aussi d’importantes capacités à l’extérieur du pays. Nous avons des partisans, nous avons une profondeur stratégique, à la fois dans la région et dans ce pays. Certains nous soutiennent à cause de l’islam, d’autres à cause de la langue et d’autres à cause de l’islam chiite. Ils constituent tous la profondeur stratégique du pays » [12] .

• L’utilisation des forces armées pour étendre l’influence iranienne via des opérations de dissuasion, d’intimidation et de coercition contre d’autres nations voisines ainsi que les États-Unis. L’objectif d’acquérir un statut et un prestige reconnus semble bien plus important dans les perspectives géopolitiques de l’Iran que l’acquisition de territoires. A cet effet, l’Iran utilise les exportations des armes et des technologies militaires adaptés au champ de bataille pour étendre son influence, contrer la puissance des Etats-Unis et de leurs alliés, et améliorer et consolider son statut de puissance régionale

L’Iran n’hésite pas de tirer parti des conflits régionaux pour faire avancer ses intérêts et atteindre un objectif plus large de renversement d’une structure de pouvoir au Moyen-Orient qui favorise les États-Unis, Israël, l’Arabie saoudite, etc. Aucun État ne semble avoir été aussi actif, voire aussi efficace, que l’Iran dans la manipulation des conflits régionaux en sa faveur. Tandis que la stratégie militaire conventionnelle de l’Iran repose principalement sur la dissuasion et la capacité de riposter contre un attaquant, ses opérations de guerre irrégulière et son réseau d’alliés lui permettent de faire progresser ses intérêts dans la région et d’atteindre la profondeur stratégique de ses adversaires. Si la dissuasion échoue, l’Iran chercherait à faire preuve de force et de détermination, à imposer un coût élevé à son adversaire et à rétablir la dissuasion en utilisant toute la gamme de ses capacités. Il est peu probable que cette stratégie change considérablement à court terme en raison de la perception de l’Iran selon laquelle son armée reste technologiquement inférieure à celle des États-Unis, son principal adversaire.

Le programme nucléaire iranien

Le discours iranien met souvent en parallèle les capacités balistiques du pays et son programme nucléaire. Ce dernier s’inscrit dans un processus de continuité avec la politique de puissance. Dans le cadre de la poursuite de ses objectifs nationaux, l’Iran continue d’accorder une haute priorité à l’expansion de ses programmes de missiles baltiques et de croisières. Toute politique visant le démantèlement de ce programme est irréaliste. En mai 2014, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a clairement fait savoir que toute attente que l’Iran limiterait le développement des missiles était « stupide et idiot » et que le « devoir principal de tous les responsables militaires » est la production en masse de missiles. Cette déclaration et les efforts de plusieurs décennies pour développer son industrie de défense illustrent l’importance des missiles dans la doctrine militaire iranienne. Au début des années 2000, la doctrine iranienne reposait toujours sur la main-d’œuvre, la géographie et la ferveur idéologique, et les objectifs fondamentaux restaient les mêmes - à savoir protéger le territoire national et le régime iranien. Néanmoins, les phases offensive et défensive de la doctrine avaient été affinées par des événements extérieurs et par l’amélioration des ressources financières et technologiques de l’Iran.

La politique iranienne est passée d’idéologique à pragmatique. Les affirmations que l’Iran n’a pas décidé s’il s’agissait d’une « nation ou d’une cause » sont exagérées. Les dirigeants iraniens cherchent à sanctuariser leur territoire national et à dissuader ou contrecarrer tout effort d’envahir ou d’intimider l’Iran ou de provoquer un changement de régime. Au regard du système international, l’Iran paraît tout à fait opaque. Poursuivant une politique de puissance isolée, il veut se donner les moyens d’un changement de statut à un horizon difficile à déterminer. Tout en affichant un comportement globalement conforme aux normes et prescriptions de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), le régime garde un statut d’ambiguïté de type israélien sur son programme nucléaire. Cette posture ambiguë doit, pour être correctement appréhendée, être envisagée dans son contexte géopolitique actuel. La démarche proliférante résulte avant tout du projet politico-stratégique que nourrit le pays agissant, projet qui est en fonction de sa vision de la situation géostratégique de son environnement proche, voir lointain. Les dirigeants iraniens considèrent le golfe Persique et une grande partie de l’Asie centrale comme un « proche étranger » où la culture, l’influence et les intérêts iraniens devraient être élargis et défendus. Plus concrètement, la stratégie américaine d’encerclement constitue pour l’Iran une violation de son espace de sécurité immédiat et une atteinte aux intérêts vitaux du régime.

Au regard de l’histoire de la prolifération, la décision d’engager un programme nucléaire militaire repose sur un certain nombre de conditions : la perception d’une menace grave pour la sécurité du pays, l’absence de garanties de sécurité crédibles, le besoin d’affirmer l’identité nationale, et disposer d’un savoir-faire et de capitaux importants. Le risque de prolifération peut se présenter dès lors que deux, au moins, de ces facteurs sont présents ; il peut être considéré comme très élevé dès lors que les quatre sont réunis. Donc, mis à part l’accès aux matières fissiles, la capacité d’une nation à poursuivre un programme nucléaire militaire dépend aussi de la maîtrise de la technologie et d’un savoir-faire. Tout ce que les Iraniens possèdent aujourd’hui. À la lumière de ces critères l’Iran est un candidat sérieux à la prolifération. Cependant, la volonté est l’acte fondateur de la prolifération, son catalyseur.

Le niveau d’enrichissement distingue le civil du militaire, mais la frontière reste politique. C’est pourquoi il convient de prendre prudemment les analyses fondées sur la simple appréciation technique des risques sur le mode : « Je peux le faire donc je vais le faire ». Comprendre la « personnalité stratégiques » de chaque proliférateur potentiel semble crucial. L’étude de cas historiques importants fournit des informations précieuses sur les raisons pour lesquelles les Etats viennent à prendre des décisions de développer ou d’abandonner un programme d’armes nucléaires. Sur les 29 États qui ont poursuivi des armes nucléaires depuis 1945, 18 d’entre ont volontairement abandonné leurs programmes – notamment la Norvège, l’Italie, Egypte, la Suisse, l’Australie, le Brésil, l’Argentine, Yougoslavie, Corée du Sud, Taiwan, la Romanie, l’Afrique de Sud, l’Ukraine, la Biélorussie et la Libye. Le programme nucléaire irakien a été découvert et démantelé par la suite et celui de l’Iran reste ouvert [13].

Les ambitions nucléaires de l’Iran ont précédé la République islamique en 1979. Au milieu des années 1950, Shah Mohammad Reza Pahlavi a rejoint le programme « Atome pour la paix » initié par Washington en direction des pays intéressés par les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire [14]. L’intérêt croissant des pays de développement pour le nucléaire, dans les années 1970, a été expliqué par Poneman ainsi : « Ces pays ont voulu utiliser les réacteurs nucléaires pour augmenter leurs capacités de génération d’électricité, développer leurs capacités pour la construction des armes nucléaires, ou simplement créer l’option de poursuivre des voies militaires ou énergétiques dans le futur en fonction des exigences de l’ère » [15]. Hier comme aujourd’hui, le programme de l’Iran est un mélange des deux : utiliser la technologie nucléaire au lieu de pétrole, et se garder le choix de poursuivre une option militaire, si le besoin se faisait sentir.

La continuité de la politique nucléaire iranienne sous le régime de Shah et sous la république islamique est la meilleure preuve du fait que sa définition ne dépend pas de l’idéologie ou des considérations internes. A vrai dire, devenir une puissance nucléaire n’est pas une priorité pour le régime iranien. Cela reste vrai en l’absence d’une menace extérieure grave : seuls les États-Unis constituent une véritable menace. À l’exception de l’Inde, dont les intérêts ne cessent de converger et de la Turquie, et tant qu’il n’y aura pas d’armes nucléaires dans la région, l’Iran restera la puissance militaire la plus importante du golfe Persique et du Moyen-Orient [16]. Les armes nucléaires auront un effet d’équilibre qui diminuera cette supériorité. Les Israéliens font une lecture militaire de la situation : ils voient en l’atome iranien la fin simple et pure de leur suprématie dans la région en temps de paix et une menace pour l’existence de leur État en temps de guerre.
Le gouvernement iranien se trouve dans une situation plutôt avantageuse car il peut choisir entre deux options : négocier au prix fort la fin de ses activités nucléaires ou poursuivre son programme nucléaire avec assez peu de craintes quant à d’éventuelles sanctions. La politique de« pression maximale » de Trump a montré ses limites.

Les États-Unis pourraient inverser le rapport de force en leur faveur dans la perspective d’un vaste marchandage avec Téhéran. Mais cela suppose de résoudre la question palestinienne pour marginaliser le régime à l’intérieur comme à l’extérieur. Par ailleurs, un grand marchandage exige d’inclure la question du nucléaire israélien, indissociable du dossier nucléaire iranien. La solution ne pourrait être qu’une zone exempte d’arme nucléaire dont les frontières resteraient à définir. L’Iran pourrait jouer un rôle constructif dans tous les domaines faisant partie des préoccupations internationales, s’il obtient des contreparties. Dénoncer le programme iranien en maintenant le silence sur les stocks nucléaires d’Israël ne créera pas un environnement de coopération devenu désormais très urgent dans une région très instable. Dans les conditions actuelles le but sera, au minimum, de s’assurer que l’Iran respecte le système de garanties renforcé prévu dans le protocole additionnel.

Etats-Unis versus Iran : une méfiance stratégique

La normalisation que Téhéran dit rechercher et qui conditionne sa stratégie économique calquée sur le modèle chinois est comprise par sa conduite internationale. Nul ne peut plus ignorer l’Iran et c’est sur la scène internationale que va se jouer l’avenir de la République islamique, à commencer dans la stratégie qu’adopteront les États-Unis, pour qui la question iranienne est chaque jour un peu plus prioritaire. La posture extérieure de l’Iran dépend en premier chef des négociations sur le nucléaire. L’issue de la crise nucléaire iranienne se trouve à Washington, car seuls les États-Unis peuvent donner à l’Iran les compensations politiques, économiques et stratégiques. L’Iran a besoin de négocier avec les États-Unis pour trouver enfin sa place dans le système de sécurité régionale. L’Iran est isolé de la communauté internationale pour une raison simple : le manque de relations diplomatiques formelles avec les États-Unis. Sur le plan stratégique et sécuritaire, ces derniers maintiennent une présence militaire autour de l’Iran, tant au nord et au sud, qu’à l’est et à l’ouest ! L’Iran est encerclé par une puissance nucléaire qui prône son changement de régime

Indépendamment du régime en place, les États-Unis ont toujours refusé à l’Iran le droit d’avoir un cycle de combustible complet. De son côté, l’Iran, animé par la volonté d’être un électron libre, a frappé désespérément à toutes les portes pour la réalisation de son programme nucléaire. L’aventure commence avec le Shah, longue, difficile, semée d’hésitations, de coups d’arrêt, de secrets, de tensions, avec, en bout de course, une crise diplomatique dont personne ne peut prédire l’issue. Le retour des Etats-Unis à l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou le plan d’action conjoint (ou Plan d’action global commun, PAGC) n’est pas une « décision facile ».

La position iranienne a été très claire : les États-Unis doivent revenir au PAGC avant que de nouvelles négociations puissent avoir lieu. Après cela, l’Iran s’entretiendra avec les États-Unis dans un cadre multilatéral.

Si des négociations auront lieu, leur résultat ne sera pas écrit d’avance, car il ne faut pas perdre de vue que l’objectif principal des négociations pour les Iraniens reste de voir leur pays retrouver son statut de puissance régionale. L’Iran a l’ambition d’être un acteur important et pertinent sur la scène mondiale, dont les capacités et les intentions doivent être prises en considération dans le « concert des nations » [17] donc des grandes puissances. Américains et Iraniens sont en mesure de se dissuader mutuellement, ce qui leur offre une base de négociation. Washington espère la coopération de l’Iran sur de nombreux dossiers régionaux. Seulement, les Iraniens œuvrent pour pousser Washington à revoir, en leur intérêt, l’ensemble de sa stratégie régionale dans le Golfe. En revanche, les Américains tiennent l’Iran par le dossier nucléaire. Le discours des États-Unis et d’Israël a été un instrument extrêmement efficace pour convaincre le monde que l’ambition de l’Iran d’acquérir l’énergie nucléaire est susceptible de devenir une menace à la paix et la sécurité internationales et un danger existentiel pour le monde entier.

En effet, il est peu probable que l’Iran prolongerait les (ou accepterait de nouvelles) concessions du PAGC sans des incitations significatives en termes d’allégement des sanctions américaines. Pour Téhéran, toute l’expérience du PAGC a été extrêmement traumatisante et la confiance dans les promesses américaines (jamais élevée) a été gravement sapée par la décision de l’administration Trump de se retirer unilatéralement alors que l’Iran s’y était pleinement conformé. « Ma priorité numéro un », a-t-il déclaré, « est de démanteler l’accord désastreux avec l’Iran. » Par conséquent, ce dernier s’est réorienté vers la Chine et la Russie. Ces tendances semblent difficiles à inverser, même sous une administration Biden. Déjà lors des négociations sur le PAGC, les Iraniens ont choisi de résister malgré le risque des sanctions.

Mohammad Nahavandian, chef de cabinet du président Rohani, a noté que « nous avons senti que nous devions résister malgré le coût car on nous a présenté un choix : soit résister malgré le coût, soit capituler et donner le feu vert à l’Occident pour qu’il fasse pression sur nous sur d’autres questions » [18]. Le récent accord avec la Chine - en vertu duquel la Chine investirait environ 400 milliards de dollars dans l’économie et les infrastructures iraniennes rendra les dirigeants iraniens encore plus intransigeants dans leurs rapports avec les Etats-Unis. Téhéran poursuit un objectif géopolitique d’envergure : rompre son isolement et devenir moteur dans l’opposition à la présence militaire américaine au Moyen-Orient. Déjà allié de la Russie et coopérant avec la Chine, l’Iran joue la carte de la fraternité islamique contre l’omniprésence américaine.

La perception commune de la menace constitue un axe central de la convergence des intérêts de sécurité sino-irano-russe. Les trois pays considèrent leurs identité, sécurité et stabilité comme des points focaux menacés par l’ordre international centré sur l’Occident. Probablement, cette relation se développerait davantage face à des menaces communes les sanctions et le terrorisme. Téhéran a appris le pragmatisme et ce que le guide suprême appelle une « flexibilité héroïque » [19], les dirigeants iraniens pratiquent une politique d’ouverture diplomatique tous azimuts.

Beaucoup de choses ont changé dans le monde depuis 1979, mais pas la relation entre Téhéran et Washington, se percevant, l’un pour l’autre, comme un cauchemar de sécurité nationale. Même s’il y a eu des efforts ou des tentatives répétés pour établir des rapports apaisés, la relation entre les deux capitales a été caractérisée par la suspicion et l’antagonisme. La chaîne de réaction a neutralisé toute tentative de rapprochement et toute action constructive régionale [20]. Des concepts fourre-tout — comme « terroriste », « voyou », « mal » et « fondamentaliste », du coté américain, et « Grand Satan », « impérialiste », « arrogance mondiale », du côté iranien - ont miné tout effort de réconciliation.

Plus qu’une réalisation majeure de l’administration Obama, le PAGC était une étape cruciale dans le rapprochement entre les deux pays. C’était un arrangement imparfait et n’impliquait pas un rapprochement général. Washington n’a rouvert ambassade américaine à Téhéran et les sanctions, ne relevant pas de l’accord nucléaire, sont restées en place. La politique officielle américaine envers l’Iran est restée une politique de confrontation. Bref, les deux pays sont enfermés dans une « guerre crépusculaire » [21] et l’hostilité américano-iranienne trouve ses racines dans les visions opposées de l’avenir du Moyen-Orient. Les relations entre l’Iran et le reste du mode reposent sur trois piliers : le nationalisme, l’internationalisme et l’Islam. La stratégie iranienne apparaît ainsi comme un mélange de visées régionales et de dissuasion contre certaines menaces ; le tout associé à une tentative de créer un système coopératif d’alliance.

L’Iran, qui veut installer au Moyen-Orient un ordre alternatif à l’hégémonie américaine, a habilement géré son expansion stratégique et ses ambitions extraterritoriales. Après la fin de la guerre avec l’Irak 51980-1988), les principaux objectifs de la doctrine iranienne étaient défensifs : protéger le territoire iranien et la pratique de l’islam sur son territoire. De plus en plus dans les années 1990 et au début des années 2000, l’effort historique à long terme de l’Iran pour préserver son influence dans sa région visait à mettre fin à ce qu’il considérait comme la menace la plus urgente : la présence américaine dans la région du golfe Persique. En effet, Téhéran s’efforce d’être un leader dans le monde islamique et cherche à être la puissance dans le Golfe. Ce dernier objectif le met en conflit avec les États-Unis. Téhéran souhaite diminuer l’influence politique et militaire de Washington dans la région.

Si la politique étrangère iranienne ne peut avoir l’image d’un grand délinquant, l’existence de nombreux centres décisionnels dans les domaines politiques, économiques et même militaire est un autre problème qui ajoute de la confusion dans le secteur de la politique étrangère et de défense. Ceux-ci se neutralisent et paralysent la diplomatie iranienne. Tandis que l’Iran est prisonnier des contradictions de sa propre Constitution, les États-Unis cherchent à consolider leur domination sur une région névralgique. Après avoir complété son encerclement, les États-Unis s’efforcent d’endiguer l’influence de l’Iran en dehors de ses frontières, travaillant à son isolement politique et diplomatique. Cette politique s’explique en partie par la position stratégique de l’Iran, qui, grâce à ses potentialités humaines et économiques, à son indépendance et sa coopération militaire avec la Russie et la Chine, renforce son statut de puissance régionale moyenne et apparaît comme le dernier rempart contre une mainmise durable des États-Unis sur l’ensemble de la région. Trois constantes caractérisent l’approche américaine au Moyen-Orient : hégémonie, institutions de relais politiques locaux et consolidation des acquis stratégiques. Dès lors la politique américaine dans la région est définie de manière à garantir l’aboutissement de trois objectifs-phares : la mise en difficulté de la Chine, de la Russie et d’autres concurrents potentiels, la préservation des intérêts d’Israël, et le maintien des intérêts pétroliers. Cela dit, « la grande stratégie » américaine dans la région reprenant le principe de l’empire britannique, visait à empêcher l’émergence d’une puissance régionale ou bloc de puissances au Moyen-Orient.

Les objectifs et stratégies nationaux de l’Iran sont façonnés par ses aspirations politiques régionales, sa perception des menaces et la nécessité de préserver son régime de gouvernement. Par les objectifs stratégiques du régime iranien figurent l’expansion de la puissance de l’Iran au Moyen-Orient et le recul de l’influence américaine dans la région. Les développements récents confirment que l’Iran est attaché à cette ambition, a une vision et une stratégie pour réaliser ce résultat et fait des progrès significatifs dans cette direction. La politique étrangère iranienne est tout, sauf aventuriste. Mais ce n’est pas parce que l’Iran veut éviter une guerre directe avec les États-Unis que sa réponse ne sera pas féroce. La peur de retour de flamme est ce qui a empêché les précédentes administrations américaines de trop intimider l’Iran. S’il est difficile d’évaluer le niveau des représailles iraniennes, les analystes sont quasi-unanimes que l’Iran dispose des moyens nécessaires pour non seulement riposter, mais aussi pour semer le chaos dans la région. La question des missiles balistiques focalise l’attention de la plupart des médias. Téhéran possède un arsenal de missiles suffisant lui permettant de conduire à la fois des opérations tactiques, y compris d’anti-accès, et des opérations stratégiques de rétorsion, y compris dans une logique d’escalade militaire.

Téhéran emploie un ensemble complexe de capacités militaires, notamment une combinaison de forces conventionnelles et non conventionnelles. La réponse en effet de l’Iran aux défis et opportunités régionaux au lendemain de sa guerre avec l’Irak impliquait une stratégie offensive et défensive façonnée par des objectifs de plus en plus ambitieux, des ressources limitées et des exigences situationnelles imprévues. Animé par la patience stratégique, Téhéran a évité les coûts élevés de la guerre conventionnelle et s’est abstenu d’attaquer ouvertement des acteurs plus puissants qui auraient pu menacer le régime. Toutefois, dans un scénario de guerre, la réaction de l’Iran sera différente. Le pays se libèrerait des restrictions restantes sur son programme nucléaires et la guerre ne se limitera pas au territoire iranien. Le champ de bataille inclura l’ensemble du Moyen-Orient, de l’Afghanistan à la Syrie en passant par l’Irak, le Liban. Téhéran donne le feu vert à un « conflit total » aux forces iraniennes et aux milices et groupes proxy dans toute la région contre les forces, bases et alliés des Etats-Unis ainsi que les actifs pétroliers internationaux. En outre, « ce qui vient après la guerre pourrait être pire que la guerre elle-même. Chacun doit donc garder à l’esprit : une guerre américano-iranienne serait un enfer sanglant pendant et après les combats. C’est une bonne chose » que ni les décideurs américains « ni les dirigeants iraniens ne souhaitent actuellement un conflit. Mais s’ils changent d’avis, seul le carnage s’ensuit. » [22] Seul un grand marchandage permettrait de sortir de l’impasse.

Tewfik HAMEL, docteur en Histoire militaire & Etudes de défense, 14 avril 2021

Notes

[1Steve A. Yetiv & Katerina Oskarsson, Challenged Hegemony : The United States, China, and Russia in the Persian Gulf, Stanford University Press,2018

[2Francis Fukuyama, “Droning On in the Middle East”, American Purpose, 5 avril 2021,

[3Stephen Kinzer, Crescent, and star : Turkey between two worlds, Farrar, Straus and Giroux, New York, 2008.

[4John W. Parker, “Russia-Iran : Strategic Partners or Competitors ?”, James A. Baker III Institute for Public Policy, Rice University, 2016 ; Marybeth Davis (et autres), “China-Iran : A Limited Partnership”, US-China Economic and Security Review Commission, Washington, avril 2013.

[5Dilip Hiro, Cold War in The Islamic World : Saudi Arabia, Iran And the Struggle For Supremacy, Oxford University Press, Oxford, 2019 ; Kim Ghattas, Black Wave : Saudi Arabia, Iran, and the Forty-Year Rivalry That Unraveled Culture, Religion, and Collective Memory in the Middle East, Henry Holt and Co., New York, 2020.

[6Allan R. Millett & Williamson Murray, Military Effectiveness, Vol. 1 : The First World War, Cambridge University Press, Cambridge, 2010, p. 12.

[7Hadi Ajili & Mahsa Rouhi, « Iran’s Military Strategy », Survival, vol. 61, novembre 2019, pp. 139-152

[8Kourosh Ahmadi, Islands and International Politics in the Persian Gulf : The Abu Musa and Tunbs in Strategic Context, Routledge, New York, 2008.

[9Afshon Ostovar, “The Grand Strategy of Militant Clients : Iran’s Way of War”, Security Studies, vol. 28, n°. 1, 2019, pp. 159-188.

[10Zbigniew Brzezinski, Le Grand échiquier, L’Amérique et le reste du monde, Bayard, Paris, 1997

[11Saeid Golkar, Captive Society : The Basij Militia and Social Control in Iran, Columbia University Press, New York, 2015.

[12John Chipman (dir.), Iran’s Networks of Influence in the Middle East, IISS, London, 2019, p. 7.

[13Rebecca Hersman & Robert Peters, “Nuclear U-Turns : Lessons from Rollback for Preventing Future Proliferation”, Nonproliferation Review, vol. 13, n°. 3, Novembre 2006, pp. 539-553.

[14Ira Chernus, Eisenhower’s Atoms for Peace, Texas A&M University Press, 2002.

[15Daniel Poneman, Nuclear Power in the Developing World, George Allen & Uniwin, Londres,1982, p. 3.

[16Stephen Kinzer, Reset : Iran, Turkey, and America’s future, Henry Holt and Company, New York, 2010

[17Joseph Irwin France, “The Concert of Nations”, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 96, juillet 1921, pp. 141-146 (6

[18Trita Parsi, Losing an Enemy : Obama, Iran, and the Triumph of Diplomacy, Yale University Press, New Haven, 2017, p. 187.

[19Ellie Geranmayeh, Reviving the Revolutionaries : How Trump’s Maximum Pressure Is Shifting Iran’s Domestic Politics, European Council on Foreign Relations, London, 2020, p. 5-6.

[20Barbara Slavin, Bitter Friends, Bosom Enemies : Iran, the U.S., and the Twisted Path of Confrontation, St. Martin’s Press, New York, 2007.

[21David Crist, The Twilight War : The Secret History of Americas Thirty-Year Conflict with Iran, Penguin Press, New York, 2013.

[22Ilan Goldenberg, “What a War with Iran Would Look Like”, Foreign Affairs, 4 juin 2019.

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