LES ÉTATS-UNIS ET LE PROTECTIONNISME. UNE CONSTANCE ET DES VARIANTES
PROCHE-ORIENT. 7 OCTOBRE : UN AN APRÈS… Ph. Mocellin et Ph. Mottet
POUR L’INDE, LA RUSSIE EST UN INVESTISSEMENT A LONG TERME. Olivier DA LAGE
LA CHINE ET L’ARCTIQUE. Thierry GARCIN
L’ESPACE, OUTIL GÉOPOLITIQUE JURIDIQUEMENT CONTESTÉ. Quentin GUEHO
TRIBUNE - FACE À UNE CHINE BÉLLIQUEUSE, LE JAPON JOUE LA CARTE DU RÉARMEMENT. Pierre-Antoine DONNET
DU DROIT DE LA GUERRE DANS LE CONFLIT ARMÉ RUSSO-UKRAINIEN. David CUMIN
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC EMMANUEL LINCOT sur la Chine et l’Asie centrale. « LE TRÈS GRAND JEU »
ENTRETIEN AVEC HAMIT BOZARSLAN. DE L’ANTI-DÉMOCRATIE À LA GUERRE EN UKRAINE
ENTRETIEN EXCLUSIF - LE MULTILATERALISME AU PRISME DE NATIONS DESUNIES. Julian FERNANDEZ
L’AFRIQUE ET LA CHINE : UNE ASYMÉTRIE SINO-CENTRÉE ? Thierry PAIRAULT
L’INDO-PACIFIQUE : UN CONCEPT FORT DISCUTABLE ! Thierry GARCIN
L’ALLIANCE CHIP4 EST-ELLE NÉE OBSOLÈTE ? Yohan BRIANT
BRETTON WOODS ET LE SOMMET DU MONDE. Jean-Marc Siroën
LES ENJEUX DE SÉCURITE DE L’INDE EN ASIE DU SUD. Olivier DA LAGE
LA CULTURE COMME ENJEU SÉCURITAIRE. Barthélémy COURMONT
L’ARCTIQUE ET LA GUERRE D’UKRAINE. Par Thierry GARCIN
LA REVANCHE DE LA (GEO)POLITIQUE SUR L’ECONOMIQUE
UKRAINE. CRISE, RETOUR HISTORIQUE ET SOLUTION ACTUELLE : « LA NEUTRALISATION ». Par David CUMIN
VLADIMIR POUTINE : LA FIN D’UN RÈGNE ? Par Galia ACKERMAN
« LA RUSE ET LA FORCE AU CŒUR DES RELATIONS INTERNATIONALES CONTEMPORAINES »
L’INTER-SOCIALITE AU COEUR DES DYNAMIQUES ACTUELLES DES RELATIONS INTERNATIONALES
LES MIRAGES SÉCURITAIRES. Par Bertrand BADIE
LE TERRITOIRE EN MAJESTÉ. Par Thierry GARCIN
UNION EUROPÉENNE : UNE SOLIDARITÉ TOURNÉE VERS UN PROJET DE PUISSANCE ? Par Joséphine STARON
LES TALIBANS DANS LA STRATÉGIE DIPLOMATIQUE DE LA CHINE. Par Yohan BRIANT
🔎 CHINE/ETATS-UNIS/TAÏWAN : LE TRIANGLE INFERNAL. Par P.A. Donnet
LA RIVALITÉ CHINE/ÉTATS-UNIS SE JOUE ÉGALEMENT DANS LE SECTEUR DE LA HIGH TECH. Par Estelle PRIN
🔎 LES « MÉTAUX RARES » N’EXISTENT PAS... Par Didier JULIENNE
🔎 L’ARCTIQUE DANS LE SYSTÈME INTERNATIONAL. Par Thierry GARCIN
LES PARAMÈTRES DE LA STRATÉGIE DE DÉFENSE DE L’IRAN. Par Tewfik HAMEL
🔎 LES NOUVELLES GUERRES SYSTEMIQUES NON MILITAIRES. Par Raphaël CHAUVANCY
L’INTERNATIONALISME MÉDICAL CUBAIN AU-DELÀ DE L’ACTION HUMANITAIRE. Par G. B. KAMGUEM
UNE EUROPE TRIPLEMENT ORPHELINE
LA DETTE CHINOISE DE DJIBOUTI. Par THIERRY PAIRAULT
CONSEIL DE SECURITE - L’AFRIQUE EST-ELLE PRÊTE POUR PLUS DE RESPONSABILITÉ ?
COMMENT LA CHINE SE PREPARE POUR FAIRE FACE AU DEUXIEME CHOC ECONOMIQUE POST-COVID. Par J.F. DUFOUR
GUERRE ECONOMIQUE. ELEMENTS DE PRISE DE CONSCIENCE D’UNE PENSEE AUTONOME. Par Christian HARBULOT
LA CRISE DU COVID-19, UN REVELATEUR DE LA NATURE PROFONDE DE L’UNION EUROPEENNE. Par Michel FAUQUIER
(1) GEOPOLITIQUE D’INTERNET et du WEB. GUERRE et PAIX dans le VILLAGE PLANETAIRE. Par Laurent GAYARD
La GEOPOLITIQUE DES POSSIBLES. Le probable sera-t-il l’après 2008 ?
« Une QUADRATURE STRATEGIQUE » au secours des souverainetés nationales
L’Europe commence à réagir à l’EXTRATERRITORIALITE du droit américain. Enfin ! Par Stephane LAUER
LA DEFENSE FRANCAISE, HERITAGE ET PERPECTIVE EUROPEENNE. Intervention du Général J. PELLISTRANDI
L’EUROPE FACE AUX DEFIS DE LA MONDIALISATION (Conférence B. Badie)
De la COMPETITION ECONOMIQUE à la GUERRE FROIDE TECHNOLOGIQUE
ACTUALITES SUR L’OR NOIR. Par Francis PERRIN
TRUMP REINVENTE LA SOUVERAINETE LIMITEE. Par Pascal Boniface
Une mondialisation d’Etats-Nations en tension
LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES AUJOURD’HUI. Par D. Battistella
MONDIALISATION HEUREUSE, FROIDE et JEU DE MASQUES...
RESISTANCE DES ETATS, TRANSLATION DE LA PUISSANCE
Ami - Ennemi : Une dialectique franco-allemande ?
DE LA DIT A LA DIPP : LA FRAGMENTATION DE LA...
Conférence de Pierre-Emmanuel Thomann : La rivalité géopolitique franco-allemande (24 janvier 2017)
Conférence d’Henrik Uterwedde : Une monnaie, deux visions (20 janvier 2016)
Conférence de Bertrand Badie : Les fractures moyen-orientales (10 mars 2016)
PUISSANCES MOYENNES d’hier et d’aujourd’hui entre impuissance et émergence (B. Badie, professeur des Universités, Sc Po Paris)
Compte rendu conférence par J.L. Ferrandery (et Operto Chiara)
mercredi 24 mai 2017 Jean-Luc FERRANDERY
CONFERENCE DE BERTRAND BADIE SUR LES NOUVELLES PUISSANCES MOYENNES.
Sources d’instabilité, entre impuissances et émergences, 15 mai 2017
Compte rendu par J.L Ferrandery, professeur d’histoire-géographie et géopolitique (et Operto Chiara)
La puissance moyenne est très peu conceptualisée et très utile dans la connaissance du système international.
D’où vient cette idée de puissance moyenne ? Comment la saisir ? Et comment en tirer du « jus explicatif » ? C’est ce que nous verrons dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, nous tenterons de la classer dans l’actuel système international que l’on assimile trop vite à un chaos ; mais il n’y a pas de chaos. Si l’on dit cela, c’est que la grande difficulté en relations internationales est que l’on ne sait pas regarder, l’on regarde avec des instruments périmés. Il est donc complexe de comprendre et de percevoir les vraies facettes de la mondialisation. Le terme de chaos fait penser à des situations de désordre absolus, alors qu’en fait nous nous trouvons dans un monde beaucoup plus ordonné.
Enfin, en troisième lieu, nous apporterons une réponse : qu’est-ce qui peut rapporter la stabilité dans ce système international et nous tenterons d’évaluer comment les puissances moyennes peuvent reprendre le relais.
Puissance moyenne : la première erreur c’est d’avoir trop misé sur la puissance, c’est-à-dire de Power Politics ; on ne parlait en effet du système international qu’à travers cette formule façonnée. La politique internationale ne pouvait être qu’une politique de puissance. Peu à peu, le concept de puissance moyenne est apparu. Si le monde est un monde de puissance, nous avons une petite place puisque nous sommes une puissance moyenne.
D’où vient cette passion de la puissance ? Elle est intervenue en 2 temps : par la philosophie de la puissance, qui renvoie à un auteur emblématique Thomas Hobbes et le deuxième moment est un moment pratico-pratique est la sortie de la Seconde Guerre mondiale qui voit l’avènement de la superpuissance.
1651 le Leviathan de Hobbes : date fondatrice puisque trois ans auparavant la paix de Westphalie qui mit fin à la guerre de Trente ans qui ravagea totalement les espaces germaniques. Il s’agit de 1ère guerre d’anéantissement humain. Guerre de violence extrême, où les composantes religieuses, dynastiques du système européen se sont mêlées de la manière la plus clivée qu’il fut dans l’histoire de l’Europe moderne. Elle est contemporaine de la guerre civile anglaise.
Hobbes qui vivait cette guerre civile anglais a inventé cette formule « La politique n’existait que dans sa fonction sécuritaire ». On ne peut pas comprendre la politique moderne et la politique internationale autrement que par référence à la sécurité. Il y aurait d’autres façons de définir la politique : celle qui offre la solidarité, la coexistence, la redistribution… Mais non, le monde s’est arrêté sur cette idée venue du XVII° siècle ouest-européen : la politique n’existe que pour fournir la sécurité.
Dès le jour où son ouvrage a été publié on a pu établir un lien entre souveraineté et sécurité. Seul le souverain peut assurer la sécurité des individus sujets. La vertu du souverain est de protéger ses sujets car ils vont abandonner une part de leur liberté en échange de la sécurité. Cet échange est le pacte social qui va devenir très vite le Contrat Social, fondateur du politique. La souveraineté s’incarne dans cette capitalisation de liberté abandonnée par les individus. C’est pour cela que dans le discours politique européen sous différentes idéologies on retrouve toujours cette référence : sécurité/souveraineté. L’idée de Hobbes est très exigeante, car pour être vraiment protecteur le Léviathan doit être réellement souverain. Si la souveraineté venait à s’écrouler, alors la sécurité viendrait à s’écrouler et cela se note aussi dans toutes les campagnes politiques d’aujourd’hui. Si le Léviathan est souverain cela signifie qu’il détient la puissance ultime : « obéir ni à plus grand, ni à plus petit, ni à égal de soi » Jean BODIN. Le propre du souverain c’est de n’être lié à n’aucune instance supérieure. Or quand nous ne sommes liés à aucune règle supérieure à nous et que nous entrons en compétition/opposition avec le voisin (également souverain) que se passe-t-il ? Il n’y a pas d’autres choix de faire la guerre. C’est là le fruit de n’obéir à aucune contrainte. Hobbes invente ainsi le lien de banalité et de nécessité qu’il y a entre souveraineté et guerre mais aussi entre relations internationales et guerre. La guerre devient l’élément banal des relations internationales. Il faudra attendre longtemps pour que certains auteurs se hasardent à définir ce qu’est la paix. On ne définira la paix que très tard.
Dès lors que l’on opte pour cette équation, les choses deviennent simples. Un Etat n’existera dans le système international que s’il est puissant. La puissance devient la pierre angulaire de la construction internationale. L’idée va rejaillir en 1945 :
– Démarrage des relations internationales comme sciences. La science des relations internationales va être inventée en 1948 par le juriste américain Morgenthau dans son Politics Among Nations. Cet ouvrage va avoir l’effet d’un livre pionnier et sa grande théorie dominante est la théorie réaliste. Pourquoi ? parce qu’il reprend le fil hobbesien, en disant : qu’est-ce qui nous a libérés du nazisme ? C’est la puissance américaine avec la puissance soviétique. Les Etats Unis se considéraient comme les vrais vainqueurs de cet énorme conflit convaincus que sans leur puissance (capacité économique, militaire, technologique…) l’on n’aurait pas pu vaincre le nazisme. Voici qui renvoie directement à la capacité de mobiliser les ressources de puissance pour imposer sa propre volonté. Ce serait donc bien la loi du plus fort qui définirait les relations internationales.
Cela va susciter de l’admiration pour la puissance américaine, l’espoir dans la capacité des Etats Unis à protéger les nations libres (Chartes de l’Atlantique et en 1949 le Traité de l’Atlantique Nord). Or cela génère en même temps une crainte, car la hiérarchie des Etats va apparaitre au centre du tableau avec cette question taraudante : si je n’ai pas la puissance, qui suis-je ?
Avec la Seconde Guerre mondiale tout va triplement changer.
– Les Etats Unis surclassent les autres, il y a nettement une puissance hégémonique qui se distingue. Charles Kindleberger dit : en 1929 il n’y avait pas de puissance hégémonique, on a connu un vrai chaos. Le monde a besoin d’un « stabilizer » stabilisateur en Français. Dans la génération qui suit, Robert Gilpin nous dit « le monde a besoin d’un Benign Leader » => sans puissance hégémonique le chaos est omniprésent. Sans Etats Unis que devenons-nous ?
– Face aux Etats Unis, une autre puissance se construit qui est l’URSS.
– C’est là que le concept de puissance moyenne va apparaitre. McKensy, premier ministre du Canada et son ministre des affaires étrangère Saint Laurent expliquent qu’à côté de ces superpuissances émergentes, il est temps de conceptualiser des puissances moyennes.
Qu’est ce qui les fonde ? La mémoire, l’expérience, l’influence. C’est-à-dire qu’à coté de cette superpuissance qui détient l’hégémonie il y a place pour des puissances qui n’ont pas des capacités équivalentes à cette superpuissance. Mais elles disposent d’autres ressources : c’est la mémoire des temps passés (la ressource de l’histoire longue), l’expérience (savoir ce que c’est que d’être confronté à des relations internationales, l’influence (peser dans le jeu international). Ces puissances « émergentes » disposent donc d’une capacité de pression sur les autres Etats => échelon intermédiaire. Il y a place pour une forme de puissance qui distingue. En même temps se dessinait la faiblesse de cette définition car l’influence, la mémoire et l’expérience se mesurent par la subjectivité.
Cette notion de puissance moyenne portée par le Canada est aussi un appel du pied aux anciennes puissances européennes qui ont gouverné le monde pendant plusieurs siècles. Ainsi, la France et la GB et des puissances vaincues et en pleine renaissance vont s’intéresser à cette sphère de puissance moyenne, qui laisse quand même un champ d’exercice. Si la superpuissance est imbattable il y a peut-être place pour les puissances moyennes dans les espaces régionaux et très vite la notion de puissance moyenne va se rapprocher de l’idée de puissance régionale. La France, la GB et un peu plus tard l’Allemagne et le Japon peuvent apparaitre comme des puissances régionales. « Ni trop fort ni trop peu » trop fortes pour tomber dans l’anonymat mais trop peu pour rivaliser avec la superpuissance. Peu à peu cette idée va être affinée. Tout est porté par les acteurs. `Comment se faire sa place ?
A partir de l’intuition de McKensy, on peut distinguer trois types de puissances moyennes :
• Vieilles puissances : Anéanties par le jeu « campiste » : celui du monopole nucléaire par les Etats Unis (45/49) qui va se transformer en une période de duopole nucléaire dès 49, au moment où l’URSS accède à l’ère nucléaire. Dans ce contexte, le jeu international était imposé. La survie passait par l’appartenance à l’un des deux camps. Ainsi, il faut comprendre, que dans l’invention de la bipolarité, rien n’est plus faux que de dire qu’elle a germé lors de la conférence de Yalta. En revanche, vu le jeu de la mécanique des forces à partir de 1947, chacun était d’un camp ou d’un autre. On avait donc une confrontation entre deux systèmes nucléaires. Or ces deux camps étaient structurés par deux idéologies qui étaient contradictoires. Les relations internationales binaires étaient basées sur l’idéologie. Dans chacun des deux camps, les dissidents ne pouvaient vivre et survivre qu’en regardant le camp d’en face. Cette bipolarité devenait autonome de tout choix stratégique. Quand ce jeu international c’est éteint on a eu l’érosion de ce « campisme ». => Cela laissa un vide et conduit à rechercher par quelles voies cela pourrait subsister ? Ex : la Construction européenne, club de vieilles puissances qui tentaient de recapitaliser au maximum tout ce qui pouvait maintenir leur distinction et de peser dans le jeu international. Elle a été animée par cette volonté d’exister dans un système bipolaire alors qu’il était fait pour effacer les vieilles puissances. Cela explique aujourd’hui la faillite de cette Construction européenne. La CEE s’est construite sur la base de ces vieilles puissances qui ont pu profiter des miracles de l’association « l’union fait la force ». Aujourd’hui cette logique associative ne produit plus rien car dans un contexte de mondialisation on comprend que l’association n’a plus les vertus qu’elle avait dans un contexte campiste. L’Europe insérée dans la mondialisation a besoin de solidarité. Prenons le cas de la France : De Gaulle savait que l’addition du charbon anglais et du charbon français ne suffirait pas à la reconstruction de l’Europe et donc partait de l’idée qu’il avait besoin aussi du charbon allemand (idée contraire à Clemenceau). Adenauer : pacte de l’Elysée de 1963. C’était dans l’alliance franco-allemande que la France pourrait redevenir une puissance. Dans l’Europe à 6, la France a toute chance de devenir le leader diplomatique. L’Allemagne ne pouvait pas assurer ce rôle et les autres étaient trop petits. Si l’Europe se reconstitue sans la GB elle pourra redevenir et se reconstruire en tant que puissance en devenant l’alliée privilégié des Etats-Unis. De Gaulle montrait donc qu’il ne pouvait pas il y avoir deux puissances en Europe.
• Les jeunes : Dans le contexte dans les années 70, apparaissent en Asie trois économies qui commencent à faire du bruit et à se distinguer, qu’on appelle les trois dragons asiatiques. Ce qui caractérise ces économies c’est leur forte capacité exportatrice, leur activisme au sein de l’économie mondiale et c’est aussi leur capacité à jouer différemment des grandes institutions économiques notamment dans le rôle nouveau qui est lié à la croissance. Ce furent des exceptions faramineuses. Trois pays d’Asie qui bousculent une hégémonie qui était essentiellement de nature occidentale. Ensuite les Jaguar latino-américains apparaissent. Ainsi l’idée apparait que les rapports de puissances économiques peuvent intégrer les relations internationales qui bousculent la configuration de l’économie mondiale. Le coup de tonnerre, c’est la Chine qui va libéraliser l’économie chinoise dès 1991. Il y a aussi l’Inde, le Brésil, l’Argentine, la Corée du Sud. Ainsi de nouveaux acteurs apparaissent, portées par la réussite économique. Le paradoxe est qu’il va y avoir autour de ces succès économiques des concepts nouveaux forgés spécifiquement : « Rising powers », qui excellent dans différents secteurs. Peu à peu ces puissances qui économiquement peuvent se ressembler, vont se montrer solidaires. C’est dans leur solidarité politique que se constitue l’unité du club des émergents. Au grand sommet de l’OMC à Cancun, on va voir toutes ces économies émergentes aux profils très différents se lier contre les puissances installées. Les politistes vont montrer que la montée de leur puissance repose sur la « Split Diplomacy » => être à la fois dans le Nord et dans le Sud. Elles ont une capacité de mobilité dans le système international que l’Europe et les Américains n’ont pas. (UE : on ne pense qu’au renfermement et au repli sur soi). Tandis que les puissances émergentes savent qu’en jouant la carte de la mondialisation elles peuvent réussir et ceux qui sont sceptiques sur cette mondialisation risquent de se laisser distancer.
• Les puissances dites pivots : C’est une remarque qui dérive du déplacement du champ de bataille du monde. C’est aujourd’hui une zone très vaste qui va des côtes Atlantique de la Mauritanie, à la Corne de l’Afrique, du bassin du Congo vers l’Afghanistan => le champ de bataille n’est plus sous les pieds des vieilles puissances. Le champ de bataille s’est déplacé. Ce sont les acteurs conflictuels du Sud qui structurent les agendas de la sécurité d’aujourd’hui. Cela donne à des Etats du Sud une surcapacité diplomatique (ex : l’Iran). Ou encore des pays africains ou la Turquie, qui existent désormais sur la scène internationale, alors qu’ils étaient subalternes auparavant.
Face à ce bouquet de puissances moyennes, vieilles puissances, puissances émergentes, puissances pivots comment réagit le système ?
- Le système international au moment où s’affirme de nouvelles puissances vient de plus en plus marginaliser la puissance. La puissance est devenue impuissante et le dire relève du simple bon sens. A partir du moment où la nouvelle conflictualité mondiale n’oppose plus des puissances, ne résulte plus de la compétition entre gladiateurs mais dérive tout au contraire des faits de faiblesse, la guerre donne une prime à la faiblesse sur la puissance. Les Etats-Unis, première puissance (43% des dépenses militaires) n’ont pas gagné une guerre depuis 1945 (échec américain au Vietnam, Irak…). Ce n’est pas le déclin américain, mais c’est que désormais le jeu conflictuel n’est plus conduit par la puissance militaire. Il est conditionné par la faiblesse des Etats et lié à la précarité des sociétés. Cette nouvelle conflictualité a un enracinement social plus important que la configuration étatique (Daech : social ; ce n’est pas un Etat). La France : 50 interventions en Afrique depuis 1960, choisissant le dictateur qu’elle a envie de sauver ou celui qu’elle veut laisser choir.
- Les puissances émergentes que sont-elles ? Elles sont entrées en jeu sur le plan économique or comment se positionnent-elles sur le plan politique ? RIEN. Doctrine : « La meilleure façon d’agir est souvent de ne pas agir ». La Chine arrive à se mettre à l’écart de toute forme de conflit => néo-souverainisme. On n’intervient pas chez les autres et on utilise notre souveraineté pour interdire qu’on intervienne chez nous.
- L’échec des vieilles puissances oppose deux modèles : le souverainisme conservateur ou le néo-conservatisme (faisons de la mondialisation une occasion de diffuser nos propres valeurs => grand débat Bill Clinton/Bush : on dépasse le souverainisme pour en faire une base d’expansion). Les deux modèles ont échoué. Le troisième modèle est le néonationalisme : on va tenter d’entrer dans la mondialisation pour soumettre cette mondialisation aux exigences de nos intérêts nationaux (« trumpisme », Brexit…).
- Incertitude du multilatéralisme : il a été inventé comme contre poison, l’idée étant de pouvoir ainsi construire une communauté internationale mettant ensemble plusieurs Etats pour façonner un nouvel ordre international. Or ce multilatéralisme est aujourd’hui attaqué par le néonationalisme et on assiste à un retour du bilatéralisme.
Comment assurer la stabilité globale du jeu international ?
– S’en est fini de la vieille idée de l’hégémonisme classique. Elle n’existait pas avant 1945 (même pas la Pax Britannica) et aujourd’hui l’hégémonie n’existe plus car la mondialisation a créé un tel jeu d’interdépendances entre les Etats qu’il n’y a plus de puissance. Obama l’avait bien compris.
– Il y avait un substitut dans lequel on a cru très longtemps : dans un ordre mondialisé très difficile à unifier on peut créer des lieux de stabilisation intermédiaire à travers l’intégration régionale. En Amérique Latine avec le Mercosur, en Asie avec l’ASEAN et ASEAN +3, en Afrique avec la SADEC. Or toutes les constructions régionales sont en crise, alors même qu’elles auraient pu être hautement profitables aux puissances émergentes. Cela peut apparaitre comme une source de chaos.
– On reporte sur les nations la chance de stabilisation globale : Marine le Pen, Mélenchon, Trump… => populisme. Mais ce que l’on voit derrière ce nationalisme c’est une protestation et pas une formule de gouvernance. Protestation contre un changement, pas proposition d’une nouvelle formule partageable.
QUESTIONS :
—> Espoir de stabilité ? Face à la complexité d’un monde globalisé, il faudrait une gouvernance mondiale. Les communications, les achats sont permis grâce à cette gouvernance mondiale de fait. Il y a un intérêt économique à cette forme de gouvernance mondiale. L’OMS a réussi à éradiquer la variole en Afrique => exemple de gouvernance mondiale. Il y a 850 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim, mais grâce à la FAO on a fait des progrès considérables en matière de nutrition. Nous ne sommes pas dans un monde de catastrophe absolue. Cette renaissance du néonationalisme est préoccupante et il apparait comme destructeur. Les nationalistes n’ont rien à proposer en termes de gouvernance mondiale. La gouvernance mondiale fonctionne déjà tous les jours. Qui est aujourd’hui le champion de la gouvernance mondiale ? C’est la Chine. Qui aurait pu penser que la COP21 est en train d’être sauvée par la Chine ? Une vision intelligente et lucide de ses propres intérêts ramène dans ce monde de plus en plus mondialisé à une solidarité avec les intérêts des autres. Théorie de la Chine : « Win Win » => vision solidariste. L’intelligence de notre monde passe par la définition d’une politique de gouvernance globale.
Président de la Turquie : Erdogan qui conduit la Turquie à devenir une dictature.
—> Incapacité de l’Etat Nation à faire face à ces nouveaux problèmes ? La nouvelle conflictualité est liée à des faiblesses et enracinée dans les sociétés plutôt qu’incarnée dans les Etats. La Cyberattaques ou tous ces réseaux de toute nature « entrepreneurs de violence » qui contournent les Etats et qui imposent leur conflictualité au monde : le logiciel des Etats n’a pas de prise sur eux. Quand le Moyen Orient devient le cratère du monde, la conflictualité qui s’exprime au Moyen Orient ressort à Nice, dans le 93, au Bataclan, c’est à dire par des jeux de réseaux sociaux et par la mondialisation des imaginaires. Tous les individus tendent à unifier les imaginaires. On a une unification des frustrations, des colères qui rend la nouvelle conflictualité peu accessible aux canons traditionnels d’analyse.
—> Y a-t-il renversement de la hiérarchie ? C’est le cas déjà maintenant. Cette banalisation du jeu d’inversion, le fait que le puissant soit aujourd’hui paralysé et que la faible ait une capacité de déstabilisation très forte crée de nouveaux comportements. Les entrepreneurs de la violence actuelle voient leur réussite émerger. Médiatisés, les actes de violence confortent ainsi les entrepreneurs de violence, qui mènent le jeu de violence aujourd’hui.
—> L’UE a-t-elle un avenir ? Pour la première fois l’élection présidentielle reposait sur la question européenne. Cela veut dire que l’enjeu immédiat est effectivement de changer le logiciel de l’Europe. L’Europe est en panne car elle fonctionne sur un logiciel périmé, et doit passer à un système solidariste (cf. DURKHEIM). La grande difficulté est que si changer la France est de l’ordre du possible, changer l’Europe est plus difficile car il faudrait mettre en accord les 27 membres de l’UE sur un modèle d’Europe refondé. Nous ne sommes plus dans la logique de négociation (trouver des formes de convergence entre des intérêts nationaux distincts.) Dans l’Europe c’est beaucoup plus complexe, car il ne s’agit plus de se mettre d’accord sur des petits intérêts mais de faire accepter une communauté par 27 acteurs qui ont des orientation politiques et économiques différentes. On n’a trouvé jusqu’à maintenant qu’une seule formule : la pérennisation du statu quo, soit ne rien changer. Cette méthode du compromis par statu quo est une méthode mortelle (non pas une solution permanente).
Le monde change autour de l’Europe. Ainsi, la migration est l’avenir du monde, la mise en musique de la mobilité comme propriété fondamentale de la mondialisation. On va vers un monde où les individus bougeront de plus en plus. Le fait que les membres européens ne comprennent pas cela, prouve à quel point ces acteurs sont médiocres et à quel point cela est incroyablement ancré dans les têtes.
Oui il faut donc refonder l’Europe... {{}}
J.L. Ferrandery (et Operto Chiara), mai 2017
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